mardi 25 avril 2017

Eleuthera

11 et 12 avril

Nous avons passé 2 jours à Governors Harbourg. Nos attentes étaient élevées puisque ça devait être une ville importante de la région. Finalement ça s’est avéré un petit village pauvre, avec pas grand-chose à offrir. Nous ne fréquentons pas particulièrement les restaurants et les terrasses, mais on aurait souhaité en voir et profiter d’une ambiance locale.  On a trouvé que des petits bouis-bouis servant du fast food graisseux, quelques petites boutiques cheap, et une épicerie. J’ai pu racheter des données sur ma carte SIM chez BTC (Batelco = Bahamas Telecommunication Company). Ce service est quand même bien organisé et lorsque ma carte SIM est remplie, les nombreuses antennes partout aux Bahamas me permettent de rester connectée avec mes proches, de prendre ma météo, et de lire La Presse + ! Quel luxe!




13 avril

Nous avons encore du 20 kts et + de vent mais on décide quand même de quitter la baie pour se rendre plus au sud, à Rock Sound. Nous y passerons 4 nuits. Le front froid demeure, les vents sont forts et on sent la fraicheur tomber dès que le soleil se couche. Nous serons ancrés devant la plage du village pendant tout le long weekend de Pâques. Les Bahamiens sont très religieux et à Rock Sound, ils célèbrent la fête de Pâques en grand. En plus des célébrations pascales avec bands live et animations sur la plage, il y avait un rassemblement de motocyclistes (bruyants!) pour tout le weekend… Nous avons entendu de la musique forte chaque soir, du jeudi au lundi de Pâques, jusqu’à tard dans la nuit! Rock Sound porte bien son nom!

Nous aurions souhaité aller faire un tour et se mêler aux locaux. Mais différentes raisons ont fait qu’on n’a pas pu le faire. C’est notre seul regret. Le soir, les vents étaient si forts, que partir en dinghy nous aurait trempé de la tête au pied avant d’arriver.  De plus, une des journées, nous étions pris dans un bardas épouvantable dans le bateau, après avoir découvert de l’eau stagnante (non-salée heureusement!) sous une coffre (complètement au fond, sous une planche de bois vissée, qui tient notre réservoir d’eau chaude et les connections de tuyauteries du bateau!). Toute la journée, nous avons vidé les cales, et les coffres pour chercher la source, resserrer chaque collet de chaque tuyau d’alimentation d’eau, nettoyer les résidus, et replacer le tout. Ça nous a pris 1 ½ journée! Un autre soir, c’est moi qui était triste et qui vivait mon deuil plus difficilement que d’autres jours... Bref nous n’avons pas pu profiter de l’opportunité d’y participer.

Nous avons quand même apprécié ce petit village isolé. L’approvisionnement était convenable, et nous avons pu faire du lavage dans un endroit propre (ce qui n’est pas toujours le cas aux Bahamas!). Le jour de Pâques, nous avons pris un lunch sur une terrasse avec 2 couples d’américains qui étaient ancrés dans la baie. C’est toujours intéressant de discuter avec d’autres navigateurs et de connaître leurs histoires. Des fois on se console en se comparant avec d’autres qui vivent le même mode de vie. Des fois nous envions ceux qui ont beaucoup d’expérience comparée à nous, et on apprend toujours, à chaque rencontre.

Nos impressions sur Eleuthera sont partagées. Cette longue île de 120 km de long est magnifique par sa nature riche et généreuse. La côte Ouest est façonnée par des falaises majestueuses qui donne sur le bank peu profond avec une eau turquoise et limpide. La côte Est donne sur l’Atlantique, une mer agitée d’un bleu profond, avec de longues plages désertes où des fortes vagues s’échouent. Il est facile d’ancrer dans le bank, et de marcher jusqu’à l’autre côté de l’Ile pour découvrir ces plages infinies. Le malheur c’est qu’elles ne sont pas entretenues et on y retrouve beaucoup de déchets de plastique jetés pas la mer… Eleuthera est beaucoup plus pauvre que les Exumas car moins de touristes y viennent. On voit des hôtels fermés, des restaurants et plusieurs maisons abandonnés, peu de population. Cette belle longue Île manque d’amour et c’est malheureux.

En fait tout le pays manque d’amour. Les Bahamiens se débrouillent tant bien que mal, à vivre, mais sont peu fortunés, et n’ont pas beaucoup de perspectives d’emploi. L’industrie de la pêche est concentrée dans l’Ile la plus riche, Spanish Wells. Et c’est des Bahamiens blancs d’origine Britanniques qui se sont mieux organisés et qui en profitent. A part les iles des Exumas où le tourisme apporte une plus grande richesse et donne du travail, il n’y a rien d’autre ailleurs pour enrichir ce si beau pays. Partout où on va, on voit de nombreuses maisons bric à brac ou carrément à moitié détruites, et des déchets, carcasses d’auto, détritus de matériels de toute sorte, qui jonchent partout.

Le manque d’argent fait que le gouvernement est en train de vendre ses iles, une par une, à des investisseurs ou des acheteurs privés. À part les touristes, ici aux Bahamas, on voit clairement des classes sociales distinctes. Il y a les riches américains qui ont une maison secondaire ici. Heureusement, ils font travailler des locaux. Il y a la classe moyenne blanche qu’on a vu à Spanish Wells ou quelques privilégiés noirs vivant à Nassau ou dans les villes principales. Et tout le reste de la population est pauvre, et est noire… Les Bahamiens d’origine sont noirs. Et plus récemment, plusieurs haïtiens ont immigrés ici pour tenter de se faire une meilleure vie. Malheureusement plusieurs d’entre eux sont illégaux, et n’arrivent pas à s’intégrer. Ils font les jobs peu valorisantes et peu payantes que personne ne veut.  

Les Bahamiens sont par contre accueillants et chaleureux. Ils nous envoient de beaux sourires à chaque occasion, n’hésitent pas à nous parler et nous aider si on a besoin, et jamais on s’est senti menacé ou peur de se faire voler. La coutume ici c’est que chacun salue l’autre en se croisant, dans la rue, dans la voiture, dans un commerce…On retourne le salue et c’est avec le grand sourire aux lèvres qu’on laisse l’autre derrière. Malgré la pauvreté, on les voit fiers le dimanche, s’en allant à la messe, avec leurs habits comme pour aller à un mariage. Les enfants sont aussi très bien habillés, avec leurs uniformes toujours propres et impeccables, pour se rendre à l’école. C’est leur environnement qui laisse à désirer malheureusement. Ils ne prennent pas soin de leurs maisons, parterres, rues et parcs. La nature est si belle mais ils n’en profitent que très peu. On ne les voit pas « jouer dehors », ni se baigner. Mais on voit les hommes se rassembler, discuter et boire un verre ensemble, avant de rentrer à la maison… Pour ça, ils sont nombreux aux intersections de rues ou de places improvisées.

18 Avril

Nous sommes revenus vers le Nord, d’abord dans Alabaster Bay, ensuite à Current Island pour 2 jours. On se rapproche de Spanish Wells car on a vraiment hâte de recevoir notre pièce pour le safran, l’installer et que toute cette histoire de safran soit dernière nous.

En pleine navigation, notre GPS a soudainement donné des signaux bizarres (messages d’erreurs) et s’est tout simplement éteint. Pour la première fois, nous devions naviguer sans notre Garmin à portée de main à la barre. Nous redoutions ce moment, qui arrive à tous les navigateurs un jour ou l’autre. On ne pensait pas que ça arrivait si vite. Une chance que j’aie mon Ipad, et que nous avions acheté toutes les cartes et le logiciel Blue Chart comme plan de contingence. Nous avons également les cartes papiers, et sommes en mesure de naviguer avec, mais beaucoup trop compliqué maintenant que nous sommes dépendants des dernières technologies! Après avoir discuté avec le fabricant, retélécharger la dernière mise à jour, fait les tests nécessaires, et vérifier toutes les connexions électriques, on doit se résoudre de devoir en acheter un autre, qui sera disponible seulement en sol américain. Donc à partir de maintenant, il faut absolument maintenir la tablette bien chargée, et naviguer avec son aide pour le reste de notre séjour aux Bahamas. Cette situation est très viable, mais nous fait dire que nous serions plus rassurés d’avoir aussi un plan C. Nous avons déjà toutes les cartes sur Open CPN dans les 2 ordinateurs mais on ne trouve pas ces cartes très conviviales et faciles à lire et à manipuler pour faire nos routes. Nous devons donc prévoir aussi l’achat d’un 2e Ipad…

21 Avril

Nous sommes de retour à Meeks Patch, tout près de Spanish Wells, en espérant que notre pièce est arrivée. Ça prend 2 jours pour Beneteau pour livrer aux USA, mais plus de 2 semaines pour que ça arrive aux Bahamas… Le mail boat (bateau de transport des marchandises) passe seulement le vendredi. Et on ne trouve pas notre pièce dans le lot… Faut attendre à lundi…

Entre temps, nous nous sommes déplacé à Royal Island, dans un endroit très protégé par des vents forts qui changent de direction. Nous attendions des vents de 30kts, qui passaient du SE- du Sud et du SW dans la même nuit. Nous avons eu droit à une nuit fort mouvementée. La pluie était très forte, mais c’était surtout les éclairs qui nous ont impressionnées! Pendant plusieurs heures, le ciel explosait de façon très menaçante. Nous étions entourés de fortes éclaires tropicales, sans arrêt, qui arrivaient de partout. J’avais l’impression d’avoir un stroboscope juste à côté de nous. Incapable de fermer l’œil, car la lumière vive entrait par les hublots comme une grosse lampe de poche projetée dans mon visage.

Le matin venu, en bon capitaine prévoyant qu’il est, Stéphane a vérifié tout le bateau pour prendre connaissance des entrées potentielles d’eau de pluie. Chaque coffre extérieur et intérieur a été vidé, inspecté, essuyé au besoin, et remis en place. On se rend compte que notre bimini (toit en toile recouvrant le cockpit) doit être à nouveau imperméabilisé car il n’est plus étanche. Heureusement le soleil est revenu et on doit faire sécher les vêtements mouillés, les coussins, les panneaux en plastique (full enclosure qui nous protègent dans le cockpit)… Grosse job. Mon homme travail sans arrêt, et sans se plaindre. Il est même satisfait du peu d’eau qui est entré et j’en suis fort soulagée. Pendant ce temps, je fais du bon pain, je m’affaire dans la cuisine, je lis et j’écris. Chacun ses responsabilités et ça nous convient parfaitement comme ça! 

25 Avril

Nous avons dû attendre à hier en fin de journée pour savoir si notre pièce était bien arrivée. Bonne nouvelle, c’est le cas. Maintenant comment l’installer. Après avoir discuté avec le fabricant Beneteau et nos assurances, il a été recommandé de sortir le bateau de l’eau pour faire un meilleur job. Comme ici à Spanish Wells ils ne sont équipés pour ça, il a été convenu qu’on ferait faire le travail en Floride. Mon capitaine est bien content de cette solution et on pourra en profiter pour faire d’autres travaux lors de la sortie de l’eau. Donc notre attente de presque 3 semaines a été vaine, car on prend la pièce avec nous aujourd’hui et on se dirige vers la Floride (qui aurait pu recevoir cette pièce depuis longtemps) mais bon, on a quand même bien profité d’Eleuthera! ON ne peut encore dire que la mésaventure du safran est dernière nous mais on voit la fin...

Nous sommes maintenant pressé par le temps car on souhaite se rendre aux Bermudes pour le début juin. Avec les navigations à faire pour s’y rendre, ainsi que les courses et les travaux à faire en sol américain, il ne nous reste pas beaucoup de marge de manœuvre. Nous sommes activement dans la préparation de nos traversées et notre tête est maintenant ailleurs qu’aux Bahamas. C’est donc sans aucun regret mais aussi avec une grande satisfaction d’avoir fait le tour qu’on quitte ce si beau pays pour de nouvelles découvertes.

On dit aujourd'hui adieu à Spanish Wells, qui restera toute notre vie dans notre cœur pour plusieurs raisons…  

Aucun commentaire:

Publier un commentaire