mardi 25 avril 2017

Eleuthera

11 et 12 avril

Nous avons passé 2 jours à Governors Harbourg. Nos attentes étaient élevées puisque ça devait être une ville importante de la région. Finalement ça s’est avéré un petit village pauvre, avec pas grand-chose à offrir. Nous ne fréquentons pas particulièrement les restaurants et les terrasses, mais on aurait souhaité en voir et profiter d’une ambiance locale.  On a trouvé que des petits bouis-bouis servant du fast food graisseux, quelques petites boutiques cheap, et une épicerie. J’ai pu racheter des données sur ma carte SIM chez BTC (Batelco = Bahamas Telecommunication Company). Ce service est quand même bien organisé et lorsque ma carte SIM est remplie, les nombreuses antennes partout aux Bahamas me permettent de rester connectée avec mes proches, de prendre ma météo, et de lire La Presse + ! Quel luxe!




13 avril

Nous avons encore du 20 kts et + de vent mais on décide quand même de quitter la baie pour se rendre plus au sud, à Rock Sound. Nous y passerons 4 nuits. Le front froid demeure, les vents sont forts et on sent la fraicheur tomber dès que le soleil se couche. Nous serons ancrés devant la plage du village pendant tout le long weekend de Pâques. Les Bahamiens sont très religieux et à Rock Sound, ils célèbrent la fête de Pâques en grand. En plus des célébrations pascales avec bands live et animations sur la plage, il y avait un rassemblement de motocyclistes (bruyants!) pour tout le weekend… Nous avons entendu de la musique forte chaque soir, du jeudi au lundi de Pâques, jusqu’à tard dans la nuit! Rock Sound porte bien son nom!

Nous aurions souhaité aller faire un tour et se mêler aux locaux. Mais différentes raisons ont fait qu’on n’a pas pu le faire. C’est notre seul regret. Le soir, les vents étaient si forts, que partir en dinghy nous aurait trempé de la tête au pied avant d’arriver.  De plus, une des journées, nous étions pris dans un bardas épouvantable dans le bateau, après avoir découvert de l’eau stagnante (non-salée heureusement!) sous une coffre (complètement au fond, sous une planche de bois vissée, qui tient notre réservoir d’eau chaude et les connections de tuyauteries du bateau!). Toute la journée, nous avons vidé les cales, et les coffres pour chercher la source, resserrer chaque collet de chaque tuyau d’alimentation d’eau, nettoyer les résidus, et replacer le tout. Ça nous a pris 1 ½ journée! Un autre soir, c’est moi qui était triste et qui vivait mon deuil plus difficilement que d’autres jours... Bref nous n’avons pas pu profiter de l’opportunité d’y participer.

Nous avons quand même apprécié ce petit village isolé. L’approvisionnement était convenable, et nous avons pu faire du lavage dans un endroit propre (ce qui n’est pas toujours le cas aux Bahamas!). Le jour de Pâques, nous avons pris un lunch sur une terrasse avec 2 couples d’américains qui étaient ancrés dans la baie. C’est toujours intéressant de discuter avec d’autres navigateurs et de connaître leurs histoires. Des fois on se console en se comparant avec d’autres qui vivent le même mode de vie. Des fois nous envions ceux qui ont beaucoup d’expérience comparée à nous, et on apprend toujours, à chaque rencontre.

Nos impressions sur Eleuthera sont partagées. Cette longue île de 120 km de long est magnifique par sa nature riche et généreuse. La côte Ouest est façonnée par des falaises majestueuses qui donne sur le bank peu profond avec une eau turquoise et limpide. La côte Est donne sur l’Atlantique, une mer agitée d’un bleu profond, avec de longues plages désertes où des fortes vagues s’échouent. Il est facile d’ancrer dans le bank, et de marcher jusqu’à l’autre côté de l’Ile pour découvrir ces plages infinies. Le malheur c’est qu’elles ne sont pas entretenues et on y retrouve beaucoup de déchets de plastique jetés pas la mer… Eleuthera est beaucoup plus pauvre que les Exumas car moins de touristes y viennent. On voit des hôtels fermés, des restaurants et plusieurs maisons abandonnés, peu de population. Cette belle longue Île manque d’amour et c’est malheureux.

En fait tout le pays manque d’amour. Les Bahamiens se débrouillent tant bien que mal, à vivre, mais sont peu fortunés, et n’ont pas beaucoup de perspectives d’emploi. L’industrie de la pêche est concentrée dans l’Ile la plus riche, Spanish Wells. Et c’est des Bahamiens blancs d’origine Britanniques qui se sont mieux organisés et qui en profitent. A part les iles des Exumas où le tourisme apporte une plus grande richesse et donne du travail, il n’y a rien d’autre ailleurs pour enrichir ce si beau pays. Partout où on va, on voit de nombreuses maisons bric à brac ou carrément à moitié détruites, et des déchets, carcasses d’auto, détritus de matériels de toute sorte, qui jonchent partout.

Le manque d’argent fait que le gouvernement est en train de vendre ses iles, une par une, à des investisseurs ou des acheteurs privés. À part les touristes, ici aux Bahamas, on voit clairement des classes sociales distinctes. Il y a les riches américains qui ont une maison secondaire ici. Heureusement, ils font travailler des locaux. Il y a la classe moyenne blanche qu’on a vu à Spanish Wells ou quelques privilégiés noirs vivant à Nassau ou dans les villes principales. Et tout le reste de la population est pauvre, et est noire… Les Bahamiens d’origine sont noirs. Et plus récemment, plusieurs haïtiens ont immigrés ici pour tenter de se faire une meilleure vie. Malheureusement plusieurs d’entre eux sont illégaux, et n’arrivent pas à s’intégrer. Ils font les jobs peu valorisantes et peu payantes que personne ne veut.  

Les Bahamiens sont par contre accueillants et chaleureux. Ils nous envoient de beaux sourires à chaque occasion, n’hésitent pas à nous parler et nous aider si on a besoin, et jamais on s’est senti menacé ou peur de se faire voler. La coutume ici c’est que chacun salue l’autre en se croisant, dans la rue, dans la voiture, dans un commerce…On retourne le salue et c’est avec le grand sourire aux lèvres qu’on laisse l’autre derrière. Malgré la pauvreté, on les voit fiers le dimanche, s’en allant à la messe, avec leurs habits comme pour aller à un mariage. Les enfants sont aussi très bien habillés, avec leurs uniformes toujours propres et impeccables, pour se rendre à l’école. C’est leur environnement qui laisse à désirer malheureusement. Ils ne prennent pas soin de leurs maisons, parterres, rues et parcs. La nature est si belle mais ils n’en profitent que très peu. On ne les voit pas « jouer dehors », ni se baigner. Mais on voit les hommes se rassembler, discuter et boire un verre ensemble, avant de rentrer à la maison… Pour ça, ils sont nombreux aux intersections de rues ou de places improvisées.

18 Avril

Nous sommes revenus vers le Nord, d’abord dans Alabaster Bay, ensuite à Current Island pour 2 jours. On se rapproche de Spanish Wells car on a vraiment hâte de recevoir notre pièce pour le safran, l’installer et que toute cette histoire de safran soit dernière nous.

En pleine navigation, notre GPS a soudainement donné des signaux bizarres (messages d’erreurs) et s’est tout simplement éteint. Pour la première fois, nous devions naviguer sans notre Garmin à portée de main à la barre. Nous redoutions ce moment, qui arrive à tous les navigateurs un jour ou l’autre. On ne pensait pas que ça arrivait si vite. Une chance que j’aie mon Ipad, et que nous avions acheté toutes les cartes et le logiciel Blue Chart comme plan de contingence. Nous avons également les cartes papiers, et sommes en mesure de naviguer avec, mais beaucoup trop compliqué maintenant que nous sommes dépendants des dernières technologies! Après avoir discuté avec le fabricant, retélécharger la dernière mise à jour, fait les tests nécessaires, et vérifier toutes les connexions électriques, on doit se résoudre de devoir en acheter un autre, qui sera disponible seulement en sol américain. Donc à partir de maintenant, il faut absolument maintenir la tablette bien chargée, et naviguer avec son aide pour le reste de notre séjour aux Bahamas. Cette situation est très viable, mais nous fait dire que nous serions plus rassurés d’avoir aussi un plan C. Nous avons déjà toutes les cartes sur Open CPN dans les 2 ordinateurs mais on ne trouve pas ces cartes très conviviales et faciles à lire et à manipuler pour faire nos routes. Nous devons donc prévoir aussi l’achat d’un 2e Ipad…

21 Avril

Nous sommes de retour à Meeks Patch, tout près de Spanish Wells, en espérant que notre pièce est arrivée. Ça prend 2 jours pour Beneteau pour livrer aux USA, mais plus de 2 semaines pour que ça arrive aux Bahamas… Le mail boat (bateau de transport des marchandises) passe seulement le vendredi. Et on ne trouve pas notre pièce dans le lot… Faut attendre à lundi…

Entre temps, nous nous sommes déplacé à Royal Island, dans un endroit très protégé par des vents forts qui changent de direction. Nous attendions des vents de 30kts, qui passaient du SE- du Sud et du SW dans la même nuit. Nous avons eu droit à une nuit fort mouvementée. La pluie était très forte, mais c’était surtout les éclairs qui nous ont impressionnées! Pendant plusieurs heures, le ciel explosait de façon très menaçante. Nous étions entourés de fortes éclaires tropicales, sans arrêt, qui arrivaient de partout. J’avais l’impression d’avoir un stroboscope juste à côté de nous. Incapable de fermer l’œil, car la lumière vive entrait par les hublots comme une grosse lampe de poche projetée dans mon visage.

Le matin venu, en bon capitaine prévoyant qu’il est, Stéphane a vérifié tout le bateau pour prendre connaissance des entrées potentielles d’eau de pluie. Chaque coffre extérieur et intérieur a été vidé, inspecté, essuyé au besoin, et remis en place. On se rend compte que notre bimini (toit en toile recouvrant le cockpit) doit être à nouveau imperméabilisé car il n’est plus étanche. Heureusement le soleil est revenu et on doit faire sécher les vêtements mouillés, les coussins, les panneaux en plastique (full enclosure qui nous protègent dans le cockpit)… Grosse job. Mon homme travail sans arrêt, et sans se plaindre. Il est même satisfait du peu d’eau qui est entré et j’en suis fort soulagée. Pendant ce temps, je fais du bon pain, je m’affaire dans la cuisine, je lis et j’écris. Chacun ses responsabilités et ça nous convient parfaitement comme ça! 

25 Avril

Nous avons dû attendre à hier en fin de journée pour savoir si notre pièce était bien arrivée. Bonne nouvelle, c’est le cas. Maintenant comment l’installer. Après avoir discuté avec le fabricant Beneteau et nos assurances, il a été recommandé de sortir le bateau de l’eau pour faire un meilleur job. Comme ici à Spanish Wells ils ne sont équipés pour ça, il a été convenu qu’on ferait faire le travail en Floride. Mon capitaine est bien content de cette solution et on pourra en profiter pour faire d’autres travaux lors de la sortie de l’eau. Donc notre attente de presque 3 semaines a été vaine, car on prend la pièce avec nous aujourd’hui et on se dirige vers la Floride (qui aurait pu recevoir cette pièce depuis longtemps) mais bon, on a quand même bien profité d’Eleuthera! ON ne peut encore dire que la mésaventure du safran est dernière nous mais on voit la fin...

Nous sommes maintenant pressé par le temps car on souhaite se rendre aux Bermudes pour le début juin. Avec les navigations à faire pour s’y rendre, ainsi que les courses et les travaux à faire en sol américain, il ne nous reste pas beaucoup de marge de manœuvre. Nous sommes activement dans la préparation de nos traversées et notre tête est maintenant ailleurs qu’aux Bahamas. C’est donc sans aucun regret mais aussi avec une grande satisfaction d’avoir fait le tour qu’on quitte ce si beau pays pour de nouvelles découvertes.

On dit aujourd'hui adieu à Spanish Wells, qui restera toute notre vie dans notre cœur pour plusieurs raisons…  

mardi 11 avril 2017

En attente à Spanish Wells

11 Avril

Notre arrivée à Spanish Wells s’est bien passée. Nous avions évidement une petite crainte de refaire le passage étroit et peu profond où nous avions échoué le fameux 3 novembre. Nous avions fait nos devoirs (marées et courants) et nous avions plus d’expérience à « lire » les profondeurs juste en observant la couleur de l’eau et non de se fier uniquement au GPS. Ils avaient aussi mis enfin des bouées, ce qui n’était pas le cas lors de notre premier passage. Le GPS nous indique clairement de passer hors des bouées, par conséquent dans le 3-4 pi de profond! Avis aux navigateurs, ne pas se fier au GPS pour les profondeurs lorsqu’on doit passer dans un passage étroit! Il peut y avoir un décalage de 10-20 pi à côté de la track…

Au niveau des sentiments, revenir à Spanish Wells me faisait du bien. Je n’étais pas émotive à propos du deuil mais plutôt heureuse de retrouver un endroit connu. Je me sentais chez moi. A l’épicerie, j’ai croisé des gens que je connaissais et ils m’ont souhaité un bon retour sur l’ile. Au chantier maritime, des visages familiers. J’ai parlé à Theo, l’américain qui nous avait reçu chez lui et qui avait gentiment invité Stéphane à pêcher sur son bateau moteur. Tout le monde qui nous veut du bien et qui souhaite que tout se passe bien pour nous.

On a sorti le safran de l’eau, pour se rendre compte qu’heureusement, rien n’était brisé. Les bushings et le shaft étaient intacts, le conduit du bateau recevant la pièce aussi. Il nous fallait trouver la cause de l’écart d’un pouce entre les bushings et le conduit. Il y avait un jeu, ce qui faisait bouger le safran de gauche à droite d’1/2 pouce. On ne pouvait pas envisager rester comme ça très longtemps.  Après 2 jours de discussions avec le boat yard, le fabricant du safran, et nos assurances, on a enfin trouvé ce qui n’allait pas. Grâce au dévouement et au professionnalisme de Louis Gosselin d’Expertise Maritime engagé par April Marine à Montréal (nos assurances), il s’est rendu compte qu’il nous manquait un morceau! On devait avoir une sleeve en bronze qui se colle par-dessus la bushing inférieure, et qui comble le vide du ½ pouce. Cette pièce avait dû simplement tomber à l’eau lorsque le safran avait cassé et s’était détaché du bateau. Personne s’était rendu compte qu’il manquait cette pièce. Nous avons été plonger à l’endroit même où la pièce aurait pu tomber au fond de l’eau pour la retrouver, sans succès. Il y a du courant, beaucoup de vas et vient des bateaux qui font des remous, et l’eau n’est pas très clair dans le canal, alors c’était peine perdue.

Sachant donc qu’il nous fallait simplement cette pièce, la coller à l’endroit désignée, et remettre le safran en place, nous étions soulagés. Ce n’était maintenant seulement une question de temps d’attente. Mais nous pouvions remettre le safran tel quel et reprendre la navigation dans la région d’Éleuthera en attendant. Après 3 nuits au quai du chantier maritime, on avait surtout hâte de partir de là. Pas de vent au quai, du va et vient sans arrêt des bateaux qui passent juste à côté, des voiturettes de golf qui passent sur la rue juste devant notre étrave. Et d’aller reprendre la maison que nous avions habité pendant 2 mois n’était pas une option.

Nos amis Jean-Denis et Louise de Néméa ont eu la gentillesse de passer par Spanish Wells avant leur retour vers le Nord. Ils retournent à Québec, achevant leur année sabbatique. C’est avec un grand plaisir que nous avons partagé notre mahi-mahi avec eux et que nous avons passé une dernière soirée très agréable. Merci chers amis pour votre support, vos encouragements, et votre amitié!

Plans à court terme :

Nous avons donc décidé de découvrir la région d’Éleuthera. Notre premier arrêt fût très fructueux! A Current Island, nous avons pris pas moins de 11 langoustes! Le congélateur se rempli, avec les réserves de poissons que nous avons encore! Le lendemain, Stéphane m’a amené plonger à Basil Rock. C’est un rocher, en plein milieu du bank intérieur d’Éleuthera. Le fond de l’eau était riche en coraux, avec beaucoup de grands éventails mauves, et de nombreux poissons. Des poissons connus et des nouveaux qu’on n’avait jamais vus. Il était hors de question de chasser avec les harpons par contre, les nombreux barracudas qui nagent autour nous ont dissuadé…

Un autre front froid s’installe (ils sont particulièrement nombreux cette année) et nous aurons des vents forts du NE pour les prochains 4-5 jours. Nous avons ancré à Hatchet Bay pour 2 soirs. Petite baie bien protégée mais où l’eau pas particulièrement belle pour nager, et le village est désert. Aujourd’hui, on a repris la mer et filé (rapidement!) jusqu’à Governors Harbourg, plus au sud. Avec un vent de 20-22 kts, nous étions au prêt serré, 2 ris de pris sur la GV et 1 sur le génois, avec des vagues qui ont bien salé tout le bateau… Cette ville est l’ancienne capitale des Bahamas et semble plus peuplée, et surtout mieux organisée. On a hâte d’aller la découvrir.

Plans à moyen et long terme :

Après avoir laissé les filles à Georges Town, nous avions l’intention de faire la route Passages South (Thornless Path) qui nous menait vers le sud, jusqu’aux BVI. De là, notre intention était de faire une traversée BVI-Bermudes en juin et ensuite, faire la traversée Bermudes-Acores en juillet. Nous souhaitons toujours passer l’été aux Acores, et à l’automne descendre aux Iles Canaries, aller à Madère, Cap Vert, et retraverser l’Atlantique vers les Antilles pour l’hiver prochain.  C’est le grand tour de l’Atlantique qu’on rêve de faire depuis qu’on connait notre professeur Benoit Villeneuve et qui nous a donner l’envie de relever ce défi.

Nos plans de navigation pour les prochains mois ont changé. Comme je le disais précédemment, on ne peut diriger le vent, il faut ajuster nos voiles… Le retour au Nord des Bahamas, et l’attente de la pièce du safran, fait que nous n’avons plus de temps pour aller vers le Sud.  Nous sommes donc résignés à remettre la destination des Caraïbes pour l’an prochain. Nous allons demeurer aux Bahamas encore quelques semaines, il y a tant à découvrir encore! Et beaucoup de plongées et de pêches à faire encore! Au début mai, on traverse vers la Floride et on longera la côte jusqu’aux Caroline. La partie que nous n’avions pas fait à l’automne, trop pressés de se rendre aux Bahamas en partant de la Caroline du Nord en route directe! En prévoit se rendre aux Bermudes pour la fin mai-début juin. Toutefois, il n’y a rien de couler dans le béton. Nous avons appris qu’en navigation, les plans peuvent changer à tout moment. Il faut demeurer flexible, et surtout très humble par rapport aux événements qui nous arrivent!

Après mûre réflexion, j’ai décidé que je ne faisais pas la longue traversée Bermudes-Acores avec mon capitaine. Je ne contrôle pas encore la médication pour mon mal de mer. Et plus de 14 jours en mer d’affilés, je ne me sens pas encore prête pour faire partie de cette ligne majeure. Stéphane va relever ce défi avec son grand chum Jean-Pierre. Un ancien collègue de travail, qui a beaucoup d’expérience en navigation, et qui sera certainement un meilleur co-équipier que moi. Les deux hommes ont beaucoup de respect un envers l’autre, et ils s’entendent très bien. Nous sommes encore indécis si on souhaite avoir un 3e membre d’équipage ou pas. Il y a des avantages et des inconvénients de partir à 3 plutôt qu’à 2 et on réfléchi là-dessus.  Je profiterai de ce temps pour aller visiter mes filles et ma famille à Montréal pendant ce temps (juillet). Je m’engage aussi à router les hommes à distance. Avec mes cours de météo, et toutes les sources d’informations à ma disposition sur la NOAA et autres sites, je peux guider mon capitaine en communiquant 2x par jour des informations sur la météo et la route à prendre. Notre radio HF sert à parler avec différents réseaux de navigateurs, à écouter des bulletins météo, et à communiquer par courriels. Mon engagement de leur router à distance en complément, me permettra de me sentir impliquée dans cette épopée, et de me sentir utile.

En vue de ce beau défi, nos efforts à partir de maintenant sont de se préparer concrètement pour cette première grande traversée. On reliera nos livres, on devra refaire nos devoirs, pratiquer différents scénarios. On doit partager et améliorer nos compétences respectives. On doit aussi préparer le bateau. Notre passage en Floride nous permettra d’acquérir quelques équipements supplémentaires, dont des nouveaux cordages, une nouvelle toilette, etc. On réfléchi toujours à la pertinence d’ajouter un tangon de génois, une voile tempête, et tout l’équipement d’ancres flottantes avant et arrière… Pour les navigateurs qui lisent ce blog, vos commentaires seraient appréciés!  


Alors comme vous le constatez, nous avons repris notre envol vers de nouveaux défis, ainsi que notre enthousiasme à naviguer et découvrir de nouveaux horizons. L’expérience rentre graduellement, sachant qu’on ne voit pas le jour où nous pourrons dire que nous sommes des navigateurs aguerris… Nous aimons beaucoup notre nouveau mode de vie, et c’est toujours l’harmonie à bord. Je garde contact avec mes proches à Montréal grâce aux technologies et ça me permet de ne pas m’ennuyer d’eux. Malgré les moments de grandes peines en pensant à mon fils, j’entrevois l’avenir positivement sur Ambition 1!

mardi 4 avril 2017

Retour à Spanish Wells!

4 Avril

La semaine dernière, pendant une navigation à voile avec de solides vents, on a soudainement entendu un bang inhabituel sous la quille. Nous étions en mesure de poursuivre notre route mais aussitôt ancré en fin de journée, Stéphane est allé inspecter le safran. Celui qu’on a attendu 2 mois pour en avoir un flambant neuf, celui-là même qui nous a couté la peau des fesses malgré la couverture des assurances, celui qui nous dirige et qui garde le cap, il venait de nous faire faux bond… Il y avait un jeu d’un demi pouce dans son embouchure… 

Après avoir parlé au chantier maritime qui l’avait installé, après avoir discuté avec celui qui l’a fabriqué en Floride, après avoir discuté avec notre expert en sinistre de la compagnie d’assurance, il a été convenu qu’on devait revenir à Spanish Wells pour le faire inspecter et régler le problème. Notre pilote automatique fonctionne bien heureusement mais la roue est « lousse » et ce n’est pas une situation viable à long terme. Probablement qu’un des « bouching » est brisé. On suspecte la cause mais on doit investiguer. Il nous fallait faire 150 NM vers le Nord pour revenir à notre point de re-départ du 3 février. De toute évidence, notre plan d’aller vers le Sud jusqu’au BVI, en passant par les Iles Turquoises, la République Dominicaine et Porto-Rico venant de prendre le bord pour cette année. Il ne nous reste pas assez de temps avant juin pour faire ce parcours. Juin étant le moment que l’on doit quitter les Caraïbes à cause de la saison des ouragans.

On se résigne donc à changer nos plans. La vie des derniers mois m’a appris qu’on ne peut diriger le vent, mais qu’on peut ajuster nos voiles! Alors c’est ce qu’on fait, on s’ajuste, avec beaucoup d’humilité. Nous sommes quand même à la retraite, et heureusement nous avons du temps devant nous. Et retourner à Spanish Wells n’est pas mal non plus car nous avons beaucoup aimé cette île, malgré les vives émotions vécues. 

Après le départ des filles, nous avons fait 4 jours de navigations pour nous rendre à Spanish Wells. Nous avons fait une pause d’une journée à Highborn car il n’y avait pas de vent. On en a profité pour se gâter et aller pêcher. On fait une équipe du tonnerre! Stéphane est expert à trouver les langoustes au fin fond des trous de coraux. Et moi je suis vraiment habile pour lancer mon harpon sur un poisson et le prendre du premier coup. Toutefois, j’ai besoin de mon homme pour achever le poisson (!) et ramener mes prises au dinghy! Cette journée-là, j’ai pris un gros snapper, un gros yellow jack, et un petit margate!



Nous sommes donc arrivés au chantier maritime aujourd’hui. Le passage dans le canal étroit où nous avions échoué s’est très bien passé. Nous avions prévu arriver à la marée haute, juste pour nous rassurer. Une inspection sera donc faite demain et on saura si on doit attendre au quai pendant longtemps (le pire des scénarios) ou si on peut garder notre safran tel quel et se promener autour, en attendant la pièce neuve. Ce qui serait beaucoup plus souhaitable pour nous.  

De la belles visites plus un vidéo!

30 Mars

C’est avec le cœur gros que j’ai déposé les filles au taxi les ramenant à l’aéroport. Nous venons de passer 2 magnifiques semaines! C’est la première fois que nous avions de la visite sur le bateau pendant si longtemps, et c’était une première expérience pour elles aussi.  Tout s’est super bien passé, même au-delà de mes espérances! Elles ont adoré leurs vacances, il a fait très beau et il y avait une belle atmosphère sur le bateau, malgré la promiscuité!

J’avais prévu de doser les temps de repos, de baignades, de découvertes, et de navigation. On ne voulait surtout pas les « décourager » de la navigation en mer. La seule qui a subis une mer agitée est Simone. Elle est arrivée quelques jours avant les deux autres. Le lendemain de son arrivée, nous avions 30 MN à faire en mer, avec 4-5pi de vagues. Si on ne partait pas à ce moment, nous étions pris à Georgetown pour 3-4 jours. Elle n’a pas le pied marin et elle a été malade durant toute la durée du trajet… Moi aussi d’ailleurs mais beaucoup moins.  Malgré cette première journée éprouvante, elle gardait son enthousiasme. Elle a beaucoup aimé la vie à bord. Elle s’impliquait dans les tâches à faire, elle était curieuse et elle voulait apprendre. Elle s’est intégrée à notre vie de marin facilement et avec allégresse.

Marianne et Danna ont aussi beaucoup aimé leur expérience. Elles étaient épuisées de leur travail (toutes deux enseignantes en semaine de relâche!) et avaient besoin de repos. Heureusement elles dormaient bien à bord. J’avais un grand besoin de les gâter. Ça me faisait du bien de retrouver mon rôle de « maman » et de prendre soin d’elles. Elles s’impliquaient pour la vaisselle et tentaient du mieux qu’elles le pouvaient, de ne pas trop faire de dégâts et de ramasser leurs longs cheveux noirs frisés… (Les filles vous avez bien réussi car on n’a pas retrouvé de cheveux partout, bravo! ;-). Et de voir ma fille en amour pour la première fois, c’était touchant! Elles étaient tellement belles à voir!
Mais 5 personnes à bord ça mange! Et ça déplace de l’air! Je passais un peu plus de temps à cuisiner et à ramasser. On devait passer dernières les filles malgré les explications sur la vigilance (lire mon texte précédent!) et les nombreuses interventions du capitaine…  Mais tout de même, rien de grave n’est arrivé, et pas de dommage sur le bateau! Merci encore les filles!

Nous leur avons fait découvrir les grottes de Thunderball ainsi que d’autres belles plongées à explorer la richesse de la mer Bahamienne. Heureusement, les 3 sont de bonnes nageuses et aucune n’avait crainte des poissons! A notre plus grand plaisir! Elles nous ont vu en action chasser le poisson et la langouste (j’ai pris ma première langouste sous les yeux attentifs de ma fille et j’étais très fière!).  Elles ont marché sur de magnifiques plages désertes, et découvert la baignade toutes nues! Elles ont vu les cochons sur la plage, les étoiles de mer énormes, cueillis des conchs. Elles ont flatté des tortues de mer et des raies géantes, elles ont vu de très près des requins nourrices, elles ont nagé avec un dauphin pendant plus d’une heure juste à côté de notre bateau. Elles ont apprécié la navigation à voile tranquille sur le côté du bank, avec ses 50 nuances de turquoises. Elles ont connu le côté de la mer un peu plus agité et son bleu profond. Elles ont été témoin d’une pêche miraculeuse de 6 mahi-mahi dans la même journée, dont 4 qui ont réussi à rester avec nous! Elles ont mangé beaucoup de poissons frais, dégusté mon pain frais sorti du four ainsi que mes pains aux bananes et barres tendres maisons. Elles ont dégusté mes petits punchs au rhum chaque soir pour l’apéro et elles ont été plus que raisonnable avec le vin…

Bref, ce fût des vacances bien remplies, riches en émotions, avec beaucoup d’amour et de tendresse. Mon capitaine a été généreux, dévoué et très patient avec la visite! Je l’en remercie du plus profond de mon cœur. Nous avons pleuré ensemble la perte de notre Julien, leur frère, mais nous avons aussi ri et profité de chaque moment. Nous sommes en vie et nous devons célébrer celle-ci avec gratitude et humilité. Merci la vie de mettre sur mon chemin de si belles personnes! Même si parfois, c’est cruel que l’une d’elle est passée beaucoup trop vite…


Je dédie ce vidéo aux filles, des femmes extraordinaires, qui me rendent très heureuse! Je vous aime tellement xxx