dimanche 11 décembre 2016

Repos à Spanish Wells

Nous sommes restés un peu plus de 3 semaines à Montréal. Le temps d'encaisser le choc et de, tranquillement, commencer à réaliser que la perte de mon fils était bien réelle. Nous n'avons plus de maison, ni de voiture. Nous avons habité chez frère qui demeure juste en face de chez ma mère. Chaque matin, nous traversions chez elle et elle nous préparait le déjeuner. De s'occuper de moi était pour elle sa façon de consoler sa peine de grand-maman. Et moi de me faire dorloter par ma mère, était d'un réconfort inestimable. Elle nous a aussi prêté sa voiture pour tout le temps de notre séjour. Merci pour tout chère Maman xxx

Nous avons été reçu chaque soir pendant 3 semaines! Des soupers de famille remplis d'amour, de paix et de câlins. Des soupers avec des amis, rempli de réconfort, d'écoute et d'encouragements. J'ai beaucoup de gratitude envers mes proches pour ces bons moments, ces bons mots, ces gestes réconfortants. Malgré toute cette générosité, je dois maintenant apprendre à vivre sans lui, pour le reste de ma vie. Je comprends que j'ai un long chemin difficile à faire, et que je suis seule à le traverser. Ma douleur est si grande que je la compare à un éléphant. Et qu'un éléphant se mange une bouchée à la fois. Je choisi de vivre ma peine par petites bouchées, une à la fois, car de voir l'éléphant, c'est trop gros pour moi...

Pendant le temps que nous étions à Montréal, rien n'a été fait pour notre safran. Les discussions entre Stéphane, le propriétaire du chantier maritime à Spanish Wells, la compagnie d'assurance et l'évaluateur de sinistre tournaient en rond, Mon capitaine aussi tournait en rond... Il nous fallait revenir au bateau. D'abord pour faire progresser les choses, ensuite pour occuper mon homme, et finalement pour retrouver notre chez nous! Notre bateau est maintenant notre maison et c'est chez nous que nous voulions être. Nous avions besoin de retrouver notre intimité, et notre tranquillité. Nous avons repris l'avion et sommes arrivés, ensemble, le 27 novembre. Nous avons dû faire le même parcours que 3 semaines auparavant et je revivais les mêmes émotions que j'avais vécu pendant ce chemin inverse, suite à la nouvelle. Ce fût très difficile.

Nous revenions à l'endroit où on voulait être, mais avec des sentiments partagés. Mon deuil commençait et j'associais le bateau à une mauvaise nouvelle. De plus, je regardais du haut des airs les hauts fonds et bancs de sable dans la magnifique mer turquoise des Bahamas et je voyais seulement les risques de s'échouer... Je réalisais que nous avions vécu un choc et qu'il fallait le digérer... Malgré tout, ça faisait du bien de retrouver notre Ambition, et certains points de repères.

Pour le safran, nous devions évaluer 3 options différentes. D'abord, que Beneteau nous envoie un safran neuf déjà usiné, mais que nous devions faire ajuster pour notre modèle de bateau. C'était compliqué et risqué, par conséquent, cette option fût écartée la première. Ensuite, de faire réparer le safran actuel par un gars qui se nomme Chris, un américain qui a une maison sur l’île et qui construit des bateaux. Il aurait été en mesure de réparer mais sans garantie. Notre plan de navigation pour les prochaines années étant trop exigeant, nous avons opté pour une solution durable et plus sûre. Avec l'accord de l'évaluateur en sinistre, nous avons donc décidé d'envoyer le modèle original à Fossfoam en Floride, et de faire fabriquer un safran neuf, sur mesure. Les procédures administratives et de douanes dans un cas comme le nôtre sont longues et fastidieuses. Notre safran est donc parti près d'une semaine après notre arrivée, a pris plus d'une semaine à se rendre chez Fossfoam, ça prend en moyenne 2 semaines à fabriquer, et on doit compter une autre semaine pour revenir. En ajoutant la période des Fêtes dans tout ça, on prévoit avoir notre bateau près à naviguer seulement en janvier, et encore!

Notre voilier est présentement au quai. Ils n'ont pas l'équipement nécessaire pour le sortir de l'eau. Une inspection sous marine a été effectuée et ne montre aucun autre dommage sous la coque, heureusement. Nous sommes donc dans un chantier maritime, avec des travaux bruyants qui se font autour de nous, avec le trafic du port, la rue qui est juste devant nous, sans eau courante. Bref ce n'est pas l'endroit idéal pour rester. Chris, l'américain, dès qu'il a appris que nous devions attendre plus d'un mois dans ces conditions, nous a spontanément offert sa maison! Pour une somme dérisoire, nous pouvions bénéficier de sa belle maison, rustique mais très confortable, car lui quittait l'île pour quelques mois dans les jours qui suivaient. Sa maison est située sur l'île voisine, Russell Island reliée par un petit pont, avec une vue imprenable sur la mer, avec un studio séparé pour accueillir des invités, et voisins absents. Un havre de paix idéal pour vivre mon deuil, se refaire des forces, et bénéficier de repos. Nous avons loué une voiturette de golf pour se déplacer et tout est parfait!

La vie me surprendra toujours. Des pertes inattendues à des moments de grâce, de l'amour immense pour mes enfants à des inquiétudes pour eux, des joies intenses entre amis à des gestes de générosité par les gens qui m'entourent... Je cite une de mes phrases préférées du film Forest Gump: "la vie est comme une boîte de chocolat, on ne sait jamais sur quoi on va tomber!"  

Ma fille aînée venait nous rejoindre 2 jours après notre arrivée. Martine vivait difficilement la perte de son frère et nous avions besoin de ce temps ensemble. J'ai pensé qu'il était moins difficile de panser ses blessures dans un endroit paradisiaque, que dans la grisaille de Décembre à Montréal... Nous avons pris soin l'une de l'autre. Nous avons pleuré notre beau Julien, mais nous avons aussi passé de très beaux moments. Stéphane a été d'une grande générosité avec elle et s'est bien occupé à lui changer les idées. La maison que nous habitons était parfaite pour cette rencontre. Il a fait beau et chaud, nous en avons bien profité. Voici une vidéo que j'ai fait pour elle, qui représente un sommaire de ses "vacances-convalescence" avec nous. Avec son accord, je me permets de la partager avec vous. La vie continue et on se doit de la célébrer...

Martine aux Bahamas