mercredi 26 juin 2019

Tahiti


22 Juin

Tahiti (Iles de la Société)

Juste le nom TAHITI évoque un endroit paradisiaque, exotique, avec de belles plages de sable fin, et de magnifiques femmes nous accueillant avec des couronnes de fleurs sur leurs longs cheveux noires. Et bien pour nous Tahiti signifie plutôt problèmes, soucis, dur labeur, et une grande ville sans intérêt! La vie à bord n’est pas toujours un petit paradis cute et heureux…

En arrivant ici (le 6 juin), nous avions comme priorité de trouver un nouveau dinghy. Après quelques jours de recherche, on a finalement trouvé. Il est usagé mais en bonne condition. C’est le modèle que nous souhaitions avoir depuis le début : Highfield 310cm. Plus grand pour permettre qu’il s’accote mieux sur notre arche lorsqu’on le monte chaque soir. Plus haut pour qu’enfin on cesse de se mouiller à chaque sortie. Plus robuste et moins pesant (fond en aluminium). Bref c’est comme si on avait prémédité la perte de l’ancien dinghy… Un jeune norvégien nous vendait son dinghy (trop gros pour son bateau) mais il en avait besoin dans l’attente de la livraison de son nouveau. Nous avons dû attendre 6 jours! On nous a prêté une petite chaloupe avec des rames pour 2 jours. On nous a donné des lifts au besoin. Et on s’est mis au quai, à la marina Taina, pour 2 jours. Aussitôt le dinghy reçu, on s’est empressé de mettre notre moteur hors-bord dessus. Il ne partait pas. Capoute! On a fait venir un réparateur. Il s’avère que le carburateur s’est endommagé lors de la mini-tempête aux Tuamotu, en se faisant brassé un peu trop. Le gars est donc parti avec pendant une semaine (sans donner de nouvelles!) pour ensuite nous annoncer qu’il fallait commander la pièce au Japon (chez Yamaha) et que ça prendrait 2 mois! On a finalement trouvé un autre gars pour remplacer quelques morceaux avec des pièces usagées et ça fonctionne enfin. En attendant, j’ai ramé chaque fois que je voulais me rendre à terre… Ça nous a donc pris 2 semaines avant d’être autonome avec un dinghy qui fonctionne pleinement. 

Entre-temps, nous avons trouvé une femme qui répare les canevas. Nous avions une fermeture éclair d’un panneau du dodger de brisé. Elle est venue le chercher et nous l’a rapporté 2 jours plus tard. On a aussi trouvé un atelier pour réparer notre spy, déchiré lors de notre traversée depuis Panama. Ça coutera cher mais on l’aura d’ici 2 semaines. Nous devions aller chercher nos visas de séjour prolongé au Haut-Commissariat, c’est fait. Nous avions quelques courses à faire pour le bateau et pour les réserves de cales, c’est fait. Mais d’autres problèmes s’ajoutaient au fur et à mesure qu’on en réglait. Nous n’étions pas au bout de nos peines…

Il y a quelques jours, on a trouvé de l’eau dans les cales. Un tuyau coulait. Un petit trou aussi petit qu’une pointe d’aiguille. Mais suffisant pour faire des dégâts. Stéphane a mis plusieurs heures à réparer ce tuyau. Le lendemain, on s’est levé avec la moitié de notre réservoir d’eau dans les cales! Le même tuyau fuyait un peu plus loin. On n’a pas entendu la pompe à eau s’activer la veille car nos amis de Frimousse étaient avec nous pour souper, on jasait dehors et j’avais mis de la musique. Avant de se coucher, on ferme toujours la pompe, mais l’écoulement avait eu lieu avant. Ça nous a pris encore toute la journée pour vider les cales, pour retirer l’eau qui se répand insidieusement partout, pour remplacer le tuyau au complet, et pour remettre le tout a sa place. Imaginez un tuyau qui part de notre petit réservoir à eau chaude situé dans le salon, qui passe derrière les murs en bois, et qui arrive sous l’évier de la cuisine. Stéphane a du dévisser et défaire une armoire complète pour avoir un accès. On a usé de nos deux têtes pour trouver des solutions. J’ai assisté mon homme, supporté, encouragé du mieux que je pouvais. Une autre journée exténuante, surtout pour lui! Nous avons appris qu’éventuellement tous les tuyaux seront à changer… l’usure normale… Beaucoup de plaisir en perspectives!

En continuant avec les problèmes, nous avons eu beaucoup de pluie dernièrement et, évidemment, ça coule dans le bateau! Nous avions eu quelques gouttes auparavant à des endroits précis mais maintenant, c’est pire. La source vient de quelques vis qui traversent le support de bois sur le pont, et des connexions des fils entre le mat et l’intérieur du bateau. Mon homme s’est mis à cette tâche, une autre, pour réduire le plus possible l’entrée d’eau. Il a réussi mais pas totalement. C’est très difficile de rendre un bateau complètement étanche.

La cerise sur le sundae fût les folies des batteries. On chargeait les batteries mais nos multimètres indiquaient des chiffres variables et instables. Le régulateur (remplacé il y a 2 ans à peine) est peut-être brisé? Ca charge mais pas assez. Est-ce l’alternateur plutôt? Un autre casse-tête à résoudre. A Panama, nous avions changé les batteries de la maison mais pas celle du moteur. Mon amour de technicien a investigué, testé, discuté avec des amis navigateurs. Tout indique qu’elle est morte et doit être changée… Mais ça ne règle pas le problème du régulateur ou de l’alternateur…bref la gestion des batteries est un constant challenge et d’une récurrente frustration!

Jusqu’à maintenant, tout ce qu’on connait de Tahiti est le centre-ville, pas particulièrement joli, les quartiers industriels affreux près du port ou logent les magasins de bateaux, et la marina Tahia, située en banlieue de Papeete, et qui donne sur une autoroute! On ne retrouve pas l’accueil chaleureux des Polynésiens rencontrés aux Marquises et aux Tuamotu. Les Tahitiens ont une attitude différente du fait de vivre dans une grande ville probablement.  Aussi, ils ont une culture différente, une histoire différente, même leur physionomie est différente. Ils proviennent de descendances maoris, avec des racines asiatiques ou germaniques pour plusieurs. La langue maternelle est le polynésien mais les Tahitiens parlent un dialecte différent des Marquisiens. Ils se comprennent mais ça s’entend, c’est un langage différent.  A la maison, ils parlent leur polynésien selon l’archipel. Mais à l’école, ils apprennent le français comme langue seconde. Donc ceux qui ne vont pas à l’école longtemps parle un français limité. Toutefois, la plupart peuvent très bien communiquer avec nous, malgré leur accent prononcé. C’est vraiment un accent unique, difficile à répliquer. Ils rrrroulent beaucoup leur r. A notre plus grande surprise, la majorité reconnaissance notre accent québécois! Ils adorent Céline Dion et grâce à elle, ils connaissent l’accent du Québec! C’est là qu’on doit reconnaître qu’elle est vraiment notre ambassadrice. Seuls les français venant de la métropole (en France) ne reconnaissent pas notre accent… Souvent, on s’adresse à eux en français et assumant que nous sommes étrangers, ils nous répondent en anglais! On leur répète qu’on parle français, et ils répondent à nouveau en anglais. C’est assez insultant! Il y a beaucoup de français travaillant et vivant ici. C’est un département français outre-mer. Ils occupent souvent les postes les mieux rémunérés en plus…
La seule activité touristique qu’on s’est permis de faire est d’aller faire un tour à la fête de l’Orange, organisée à chaque année à ce temps-ci, dans la banlieue ou nous sommes. La vallée attenante est remplie d’orangeraies et des hommes courageux et forts, se rendent à pied, dans la brousse et les chemins escarpés, pour aller les cueillir, et les transporter jusqu’au village. Ces hommes sont honorés par toute la communauté et plusieurs activités sont organisées.





26 juin

Nous en avions marre des problèmes, et du mouillage très achalandé devant la marina. Nous avons levé l’ancre pour une petite vacance à l’ile de Moorea, seulement à 17 MN d’où nous étions. A part les 2 premiers jours ou des bourrasques de vent forts nous menaçaient constamment et qu’on était confiné à bord, se fût une autre très belle découverte! Une ile montagneuse et verdoyante, mais entourée de coraux ou lorsqu’on prend une passe et qu’on se retrouve de l’autre côté des récifs, l’eau est calme, claire et transparente. Les raies vivent autour de nous et on les voit bien même du pont.  Les habitations sont beaucoup plus belles et riches qu’à Tahiti, et les insulaires sont plus accueillants. Nous avons retrouvé des gens de bateau rencontrés auparavant aux Marquises ou aux Tuamotu. Nous avons apprécié un spectacle de danse traditionnelle offert dans le cadre d’un rassemblement de navigateurs. Ils participaient à un rallye et ils se dirigent tous vers les iles de l’ouest du Pacifique, jusqu’en Nouvelle-Zélande. Ça nous a permis de discuter sur les différentes options qui s’offrent à nous après la Polynésie. (j’y reviendrai plus tard…)








Nous avons fait de belles randonnées dans les champs d’ananas et la forêt tropicale. Nos amis de Frimousse nous ont prêté leurs vélos et nous avons adoré faire le tour de l’ile (65km) sur une piste cyclable qui longe toute la côte. Quel bonheur de pédaler, moi qui n’avait pas fait de vélo depuis des lustres! Les jambes sont encore bonnes…











C’est avec nos inséparables amis Sophie et André que nous avons fêté la St-Jean-Batiste. Il a apporté sa guitare et son cartable de chansons et on a chanté du bon québécois toute la soirée du 24 : Felix Leclerc, Jean-Pierre Ferland, Claude Dubois, Robert Charlebois, Paul Piché, Beau Dommage, Jim et Bertrand, Marjo, Richard Desjardins, Jean Leloup, Luc de la Rochelière, Daniel Bélanger et plusieurs autres. On aime toujours retrouvé nos vieux classiques!

On veut profiter de cette magnifique île, quoi que pas mal touristiques, pour la prochaine semaine et ensuite revenir a Tahiti. On doit régler encore plusieurs choses avant l’arrivée de notre belle visite. La sœur de Stéphane vient nous voir pour 2 semaines! C’est la 4e fois qu’elle vient nous visiter depuis notre départ alors je crois qu’elle aime ça! On a toujours beaucoup de plaisir ensemble et on a hâte de la retrouver. On lui prépare un beau programme de vacances!




dimanche 9 juin 2019

L'Archipel des Tuamotu


L'Archipel des Tuamotu

Les Tuamotu forment un des 5 archipels de la Polynésie. C’est un ensemble d’atolls éparpillés sur un très grand territoire du Pacifique, entre les Marquises et les Iles de la Société (qui comprend Tahiti). Un atoll est formé d’un ancien volcan qui, après des milliers d’années, est enseveli sous l’eau mais laisse des coraux imposants qui se sont formé tout autour. Ces récifs de coraux forment un grand cercle de plusieurs km (parfois jusqu’à 50 km) à la surface de l’eau et se remplisse à l’intérieur comme une piscine peu profonde (environ 100 pi) au beau milieu de l’océan. Sur ces récifs, il y a parfois des bouts de terre (on les appelle des motus) ou quelques habitants peuvent y vivre. Ces espaces sont faits de roches et de coraux, ou seuls des cocotiers peuvent y pousser. C’est pourquoi le coprah est aussi exploité ici.  Autrement, on ne voit que des récifs à fleur d’eau, ou les vagues au large se fracassent mais demeurent à l’extérieur. Pour entrer dans ces atolls, on doit passer par les anciennes failles du volcan, que l’on nomme maintenant des passes.  Mais lorsqu’on est à l’intérieur de l’atoll, l’eau est claire et d’un calme surprenant!






Il y a beaucoup de danger à naviguer ici mais grâce aux GPS modernes, les navigateurs peuvent maintenant venir visiter ces îles autrefois évitées car trop dangereuses.  Les cartes papiers n’étant pas exactes, on ne peut pas toujours naviguer à vue et voir les bordures des atolls, surtout pas la nuit. On a entendu et lu que plusieurs voiliers ont été perdus en fracassant ces récifs…  Donc équipés de cartes électroniques récentes et de 4 GPS à bord, on s’est dit qu’il serait facile de les trouver!

Un autre danger qui nous guette consiste à faire les passes. Les marées ne sont pas trop importantes ici (environ 2pi), mais l’effet entonnoir du grand volume d’eau qui entre et sort de l’atoll fait beaucoup de courants dans ces passes. Celles-ci peuvent être plus ou moins étroites (+ ou - 500pi), avec un courant contre qui peut aller jusqu’à 8 nds. Considérant qu’à moteur on ne va pas à plus de 6 nds,  il nous serait impossible d’entrer si la marée est descendante. Donc on doit toujours considérer l’heure des marées pour un passage, autant à l’entrée qu’à la sortie.




La formation de hautes patates de corail qui poussent partout au milieu de l’atoll, et qui sortent du fond de l’eau jusqu’à sa surface,  représente un autre défi. Les déplacements à l’intérieur des atolls sont donc risqués et il faut faire une surveillance très attentive. Ces patates sont grandes et dangereuses et ne sont pas toujours indiquées sur les cartes. On ne doit pas se fier aux GPS car même notre position peut être erronée par rapport aux patates. Mais en naviguant avec le soleil haut et derrière nous, on les aperçoit de loin et on peut facilement les éviter. Mais il s’agit d’une seule qu’on échappe et nous voilà fonçant dessus…

Et finalement, les endroits pour ancrer sont tous remplis de petits coraux, un peu éparpillés parmi le fond de sable blanc. Il faut trouver un espace de sable suffisamment grand pour jeter l’ancre. Toutefois, le bateau bouge et pivote selon les vents et les courants, donc la chaîne peut rapidement s’enrouler autour d’un amas de corail et rester prise. Nous avons appris à mettre 3 petites bouées sur le long de la chaîne, a des endroits stratégiques. Ainsi, la chaîne est suspendue entre deux eaux, au-dessus des coraux, tout en maintenant l’ancre bien enfouie dans le sable. La tenue est suffisante et on ne risque pas de devoir plonger (avec des bouteilles que nous n’avons pas…) pour aller déprendre la chaîne avant de partir! Ces petites bouées servaient autrefois aux fermes perlières qui, maintenant, n’existent plus. Elles dérivent et atterrissent sur des atolls un peu partout. M. Hubert, qui vit en ermite sur son coin d’atoll, les collectionne et les expose pour décorer son environnement. En échanges de 2 pamplemousses provenant des Marquises, il nous a donné 3 bouées. Tout le monde est content!




Alors sachant tous les dangers qui nous attendaient, mon capitaine appréhendait nos atterrissages. Laissez-moi vous dire qu’avant de partir pour notre premier atoll, on a fait nos lectures et discuter avec quelques navigateurs qui les ont faites. On a fait nos calculs pour arriver au bon endroit, a la bonne marée, a la bonne heure pour le soleil, et avec les bons équipements. Malgré ces menaces, l’arrivée à notre premier atoll  s’est très bien passée, et ce fut un enchantement! Un enchantement pour les yeux (eaux turquoise et claires), pour le calme (enfin on dort bien car le bateau ne bouge plus), pour l’accueil des habitants, pour les coraux à explorer, pour les nombreux poissons à observer et à pêcher.








17 Mai : Makemo

Nous avons choisi cet atoll comme première escale pour sa situation géographique et du fait qu’elle est une des plus habitées. Ce fût un vrai coup de cœur! Nous avons été agréablement surpris par le village de 600 habitants, l’accueil chaleureux de ceux-ci, les belles maisons, la propreté, l’épicerie, la boulangerie, le grand gymnase pour les différentes activités des jeunes et des moins jeunes, et la longue route qui se déploie avec la mer de chaque côté ou j’allais faire mon jogging.






Dans la rue, nous avons rencontré Pascal et sa femme Hélène. Des polynésiens venant de Huahine, près de Bora-Bora, mais qui sont en semi retraite et vivent à temps partiel ici, auprès de leur fille. Ils s’intéressaient à nous et voulait mieux discuter avec nous. Ils nous ont invités chez eux pour nous offrir un accès wifi et poursuivre la discussion. Quelle belle rencontre! Nous avons appris beaucoup sur le village ici, sur la Polynésie en général, sur leurs valeurs et mode de vie. Cet homme d’affaire a beaucoup voyagé, il est cultivé, et il est vraiment curieux. Pascal est généreux de nature et adore parler avec des étrangers. Sa femme, beaucoup plus discrète, ne participait pas beaucoup aux discussions. Elle semble être au service de monsieur… je me demande si les femmes polynésiennes sont toutes mis au second rang comme elle. Un autre jour, ils nous ont reçu a souper, de façon royale, avec des poissons au menu. Stéphane a pu faire l’essai de sa pirogue en carbone, sport traditionnel et très répandu ici. Le couple souhaite sincèrement qu’on se revoit à leur maison principale lorsque nous serons de passage dans les îles de la Société. A suivre.



On s’est déplacé à 3 endroits différents dans l’atoll pour explorer les fonds marins et profiter des mouillages isolés, ou on se sentait seuls au monde, au paradis! En naviguant, on a mis la ligne à l’eau et on a pêché un nouveau poisson, un JOB, qui était un des meilleurs poissons jamais mangés.



On a pris une belle grosse carangue.


Stéphane a pris quelques mérous en plongeant, avec le fusil à harpon.  


On se régale de poissons mais nous sommes toujours un peu inquiets, à cause de la ciguatera. Les poissons coralliens peuvent être toxiques, par conséquent les gros qui les mangent peuvent l’être aussi. On questionne les locaux pour qu’ils nous disent quels poissons manger, mais c’est toujours un risque. On a rencontré un couple qui a mangé du poisson qu’ils n’auraient pas dû, à Nuku-Hiva, et ils ont été très malades, pendant plus de 2 mois… Mais on nous a dit qu’ici, la ciguatera est plus rare. On va se garder une petite gêne et on a décidé de ne pas en manger chaque jour, car il y a un effet cumulatif.

On a donc beaucoup joué dans l’eau, et souvent on regrettait de ne pas pouvoir chasser. A chaque fois, on voyait des requins. Ces petits requins de récifs sont inoffensifs quoi que intimidant au début. Je m’habitue à les côtoyer de proche et j’ai moins peur. C’est quand même de très belles bêtes!
Une des activités à faire dans tous les atolls est de plonger à l’eau dans les passes, lorsque le courant n’est pas trop fort. On s’attache bien au dinghy, et on se laisse dériver avec lui, tout au long du chenal, de chaque côté. On rembarque dans le dinghy, on remonte le courant, et on le refait. C’est fantastique! La quantité de coraux et de poissons qui passent sous nos yeux, c’est inimaginable. Et chaque fois, les requins sont autour mais ne nous menacent jamais.  On a fait la passe de l’ouest 3 jours consécutifs! (un jour si je peux, je ferai un montage de tous les petits vidéos que j'ai fait sous l'eau pour ajouter a ce texte)


29 Mai : Tahanea

Nous n’avons aucun accès wifi dans ce coin du monde, c’est pourquoi je suis contente d’avoir la radio HF. Je suis en mesure de prendre ma météo chaque jour. Il annonçait un beau petit vent du Nord-Nord-Est de 8 à 10 nds, parfait pour nous porter tranquillement vers le sud-ouest.  Considérant les marées, et le soleil suffisamment haut pour naviguer dans les atolls, on est parti de Makemo à 16h pour un atterrissage à Tahanea après 7h le lendemain.  Ce fût 49MN de navigation de merde!

Avant de lever l’ancre, nous avions installé le tangon, certains de naviguer au portant. Et bien on a commencé au travers, ça a tourné au près tribord amure, ensuite bâbord amure, ensuite vent en pleine face! On a eu des variations de 8 à 25 nds de face et des variations de directions constantes. En plus, en passant entre 2 atolls, on subissait du courant contre nous. Du n’importe quoi! Impossible de tenir la barre et impossible d’avancer dans la bonne direction! En plus, la lune se levait seulement à 2h AM cette nuit-là alors on était dans la noirceur la plus totale jusqu’à cette heure. Difficile de voir les voiles, et difficile de s’orienter.  J’ai dormi un peu en début de soirée mais lorsque je me suis levée, Stéphane était requis dans le cockpit car on devait être deux! Il n’a pratiquement pas dormi de la nuit…  Après quelques heures de vent fou, il est enfin tombé à 5-6 nds, toujours de face. On a abandonné de faire des tacs et on s’est résigné à partir le moteur. La navigation étant beaucoup plus facile au moteur, on a enfin pu relaxer un peu… 

L’arrivée dans la passe et l’ancrage fût facile, encore plus de peur que de mal… Mais quelle beauté de paysage et de mer! Nous étions récompensés de l’effort pour venir jusqu’ici. Tahanea n’est pas habité et la nature sauvage qui s’offre à nous est fabuleuse. On a dérivé dans les passes et nous étions subjugués par tant de coraux et de poissons, des gros et moins gros. Et que dire des requins, pleins de requins qui nous suivent proches, sans jamais venir à nous. Lorsqu’on court après ils s’enfuient. Les requins de récifs à ailerons blancs, d’autres à ailerons noirs, sont plus petits et facilement reconnaissables. Les requins citron sont plus grands, plus impressionnants, ressemblent aux requins nourrices mais peuvent être plus agressifs si on pêche dans les alentours… On a vu une quantité phénoménale de mérous, qui nagent tranquillement sans se cacher dans les trous de coraux comme partout ailleurs. On a vu de belles carangues (bar jack), et des gros snappers tellement appétissants! Des poissons perroquets aux milles couleurs, quelques raies tachetées, et un nombre incroyable de petits poissons de récifs. Nous étions dans un immense aquarium avec une portée infinie, quelle privilège de voir tout ça. Tous les deux on adore être dans l’eau alors on s’est payé la traite! La passe centrale de Tahanea est tout à fait exceptionnelle! On l’a fait à l’étale, à la marée montante, à la descendante, et chaque fois, on voyait des choses différentes. 






Nous avons fait la rencontre de Pascal et Fanfan (Françoise) du voilier Zen. De typiques français, qui parlent beaucoup… et qui adorent l’accent québécois. Ils viennent d’une petite île proche de La Rochelle. Ils reviennent de loin, c’est eux qui ont été atteint par la ciguatera aux Marquises. Ils ont  beaucoup d’expérience de voiles, mais se contentent de vivre simplement, dans un confort limité : pas de frigo à bord, pas de déssalinateur, pas de douche, pas de guindeau électrique (pour aider à relever l’ancre), pas de dodger et bimini (ils sont constamment au vent et au soleil), un moteur peu performant, et pas de moteur sur le dinghy (il rame pour chaque sortie) … Bref si Stéphane m’avait imposé ce genre de conditions, jamais je n’aurais embarqué dans ce voyage! Mais on a rencontré plusieurs couples qui vivent ainsi et qui s’accommodent bien à ce genre de bateau. Je les respecte beaucoup car tout est plus difficile pour eux… Comme ils étaient à la rame, ils ne pouvaient aller faire les passes. On les a donc amenés avec nous, sur notre dinghy à moteur.

Parlant de dinghy, nous sommes partis avec une annexe presque neuf. Et bien en moins de 3 ans, sous le soleil et la chaleur des tropiques, malgré tout l’attention et les agents protecteurs qu’on y a mis, elle s’use trop rapidement. Une patche fuit donc elle se dégonfle tout doucement. Les pièces dessus commencent à décoller.  Elle prend un tout petit peu l’eau. Et maintenant, c’est le panneau arrière (qui supporte le moteur) qui commence à se décoller et à sortir de son socle… Encore un souci! On n’a pas de long répit avec un voilier…

3 Juin

Après plusieurs jours à profiter du merveilleux atoll de Tahanea, nous avions prévu de faire plusieurs autres atolls avant d’arriver aux Iles de la Société au début Juillet. On doit écourter abruptement notre séjour ici et se rendre à Tahiti plus tôt que prévu. Nous devons acheter un nouveau dinghy! Pas parce qu’il est trop usé, parce qu’on la perdu! Comme quoi rien n’arrive pour rien…

Avant hier, à la tombée de la nuit, après une journée calme et qu’aucune météo annonçait ça, nous avons subi un mara'amu, vent soudain et très fort du sud, typique d'ici. Nous étions ancrés pour être protégé d'un vent du Nord-Est, ce qui est habituel, mais pas d’un vent du sud. Le ciel s'est rempli d'un coup, des vents violents et froids se sont levés et des vagues de 4-5 pi sont apparues sous notre coque, dans un temps record! Il y a un fetch de 7-8 MN entre les 2 côtés de l’atoll et ce fetch nous apportait ces vagues. On n'a pas eu le temps de monter le dinghy et il était impossible de le faire. Il revolait pas mal derrière nous...

Nos amis Anna et Daniel, du voilier Noomi, se préparaient à venir prendre l’apéro chez nous. Ils étaient ancrés près de nous et nous étions les seuls dans cette baie. Ils ont chassé et ont du relevé l’ancre. Ils ont décidé de sortir de la passe, aller naviguer le long de la côte extérieure protégée des vagues, et revenir plus tard. Nous étions craintifs de se déplacer, en pleine noirceur, et de risquer de prendre la passe dans de trop grosses vagues et à contre courant. On a choisi de rester, d’assurer la tenue de l’ancre, et d’attendre que ça passe. Ce fut une erreur. La prochaine fois, on sait qu’il est préférable de lever l’ancre et de s’éloigner des récifs. Nous avions jeté l’ancre dans 20 pi de profond, par conséquent, nous étions beaucoup trop proches du bord. Le ressac que les vaguent font sur la berge est énorme et violent, de plus, ça donne moins de temps pour réagir. On apprend à chaque fois de nos erreurs…

Notre chaîne s'est enroulée dans des coraux, malgré les bouées qu'on met le long de la chaine pour empêcher ça! La pression était telle que le crochet de la patte d'oie s'est cassé. Pour soulager le guindeau, on a parti le moteur. Comme le dinghy se balançait fort derrière et dessous le bateau, l'hélice a coupé la corde du dinghy. Dans l’action, on ne s’est pas rendu compte. Un peu plus tard, il y avait une corde avec rien au bout, qui traînait derrière…

Nous étions stressés. Ce vent de 30-35 nds était impressionnant et les vagues étaient intenses. Il était très difficile de maintenir le bateau face au vent, en gardant la même position vis-à-vis de l’ancre. Stéphane a lâché toute la chaine et une bonne partie du câblot, mais ils se sont encore plus empêtrés dans les coraux. Il a tout fait mais le câblot s’est coincé solide dans le guideau, c’était intenable. Stéphane m’a informé qu’il fallait donc couper le câblot et laisser le tout sur place. Ça voulait dire qu’il fallait partir. L’heure était grave. On est parti! J’avais peur mais j’étais certaine qu’on s’en sortirait. Comme c’était nuit, et qu’il y a beaucoup de patates de coraux qu’on ne peut voir, il n’était pas question qu’on s’échoue en plus! On a donc avancé au moteur, très lentement, exactement sur la ligne tracée de nos précédents déplacements, laissés sur le GPS. Après 2h de mauvais temps on a finalement pu mouiller avec notre 2e ancre. Le calme était revenu et nous étions en sécurité. Une très mauvaise soirée mais rien de très grave au final. Ça nous a pris quelques verres de vin pour faire passer le stress et aller dormir… Une citation du film de Forest Gum que j’aime beaucoup : La vie est comme une boite de chocolat, on ne sait jamais sur quoi on va tomber. Je dirais que la vie en mer est aussi comme une boite de chocolat. Parfois c’est idyllique, parfois c’est vraiment pas le fun…

C’est inouï comme les navigateurs s’entraident lorsque c’est le temps. Steven et Yvonne, des australiens, étaient arrivés justement pendant le mauvais temps. On s’est parlé par la VHF la veille. Ils sont venus sur notre bateau, avec leur dinghy, pour aller récupérer nos pièces manquantes. Daniel et Anna avaient plongé, localisé nos bouées, et avait tout démêlé la chaîne et la corde. On a pu la réinstaller à sa place. Avec le dinghy de Steven, on a retrouvé le dinghy, échoué sur des rochers. On a pu récupérer le moteur hors-bord et le contenu du dinghy mais lui, est une épave, tout percé...  Il a fait le bonheur de nos français du voilier Zen, qui eux pensent pouvoir le réparer et le récupérer. On en doute mais ils nous ont délesté d’un fardeau, alors on était content…


Que d’aventures! On ne veut jamais vivre des situations comme celles-là! Notre bateau est intact, et notre guindeau aussi. Notre sécurité est aussi assurée. C'est l’important. Sans dinghy, on ne peut pas aller à terre,  on ne peut pas aller faire de la plongée ni pêcher, on ne peut pas faire les passes, ni aller visiter (ou aider!) nos voisins. C’est donc avec regret qu’on doit quitter les Tuamotu et se rendre à Papeete, seul endroit où on peut trouver un dinghy dans toute la Polynésie. On part demain pour 3 jours et 2 nuits de navigation. 

Voici, feu, bébé Ambition. Il nous a rendu de bien bons services!