Les Îles
Vénézuéliennes
Los Roques
8 Août
Nous avons pris le large pour une traversée de 290 MN vers
un petit groupement d’îles qui se nomment Los Roques. Nous n’avions pas fait de
navigation de nuit depuis décembre et il fallait se donner un petit coup de
pied dans le derrière. Je comprends un peu les navigateurs qui s’incrustent à
un endroit, et qui n’osent plus repartir après avoir eu un trop long temps
d’arrêt sans naviguer…
Cette traversée fut une de mes plus belles et des plus
faciles! Un beau vent doux (10-15 nds) de l’est nous a porté vers notre
destination, sans trop de vagues, sous un soleil magnifique et des nuits
étoilées. Pour la première fois, je n’ai pas été malade, et on a même assez bien
dormi dans nos quarts de repos. C’était encore une fois magique! Nous avons
levé l’ancre mercredi en fin de journée pour planifier une arrivée samedi
matin, ce qui nous donnait une marge de manœuvre si nous étions plus lents que
prévu. Il fallait arriver de jour car les obstacles sont nombreux dans les Îles
de Los Roques. Nous avons du même ralentir en réduisant les voiles dans la
dernière nuit afin d’arriver après le lever du soleil.
11 Août
L’ile principale ou nous devions atterrir est Gran Roques.
Elle porte bien son nom car elle est constituée de grands rochers! Et au pied
de ceux-ci, un joli petit village multicolore, construit directement sur le
sable. Les gens se promènent pieds nus dans les rues, faites de sable fin. Les
iles de Los Roques font parties du Venezuela. Nous avions lu sur des blogues
que contrairement au pays sur le continent, il était sécuritaire de s’arrêter
ici. En aucun temps nous souhaitions se rapprocher des côtes vénézuéliennes car
nous avions appris que l’instabilité politique et économique avait amenés des
pirates qui attaquaient sans scrupules des bateaux de plaisance. Nous étions donc un peu sur nos gardes à
notre arrivée ici. Et bien ce n’était absolument pas fondé.
D’abord, nous avons été accueillis par 2 gardes côtiers très
gentils, qui sont venus sur notre voilier. Ils venaient, très poliment, procéder
à une inspection et pour remplir les papiers de séjours. Ne parlant ni anglais
ni français, nous avons quand même pu communiquer avec eux. J’ai toujours de
l’admiration de voir comment mon mari (je trouve toujours drôle de l’appeler
ainsi!) se débrouille bien en espagnol!
Il avait appris la base lors de ses quelques voyages passés en Amérique du sud.
Les gardes sont restés plus d’une heure, à remplir les formalités d’entrées et
de sorties (ce qui nous évite de devoir revenir ici avant de quitter le pays,
ce qui est une excellente pratique contrairement à d’autres iles visitées!), et
à obtenir notre permis de croisière pour 14 jours. L’inspection consistait
simplement à vérifier nos extincteurs de feu, notre balise de détresse, et de
vérifier si notre radio VHF fonctionnait. Ensuite ils ont accompagné mon
capitaine aux bureaux de la garde côtière pour un premier paiement, et
continuant à l’accompagner aux bureaux d’immigration pour les estampes dans nos
passeports. Entre temps, ils ont pris la peine de lui faire une petite visite
du village. Après s’être délesté de $124US et de consacrer à peine 2h aux
formalités, nous étions libres de se promener partout dans les iles de cette
magnifique archipel, pour 2 semaines. Nous avions lu que les formalités étaient
longues et pénibles, comme quoi il ne faut pas toujours se fier aux expériences
des autres!
Les habitants sont accueillants et souriants. Ils nous
saluent gentiment et on ne se fait pas regarder de travers en aucun temps. La
barrière de la langue m’empêche de leur parler comme je souhaiterais mais j’ai
rencontré une jeune femme qui parlait un peu anglais. Nous avons pu échanger
enfin. Elle vient du continent et a marié un jeune homme qui vient de Los
Roques. Le couple et leur bébé font donc souvent la navette entre le pays et
l’archipel ici. Elle me confirmait que la situation politique au Venezuela
n’est pas reluisante et qu’elle est inquiète pour l’avenir de ses enfants. Elle m’a rassuré que les gens ne sont pas
plus pauvres, ou plus violents qu’avant, mais l’accès aux produits de
consommation et de nourriture est très, très limité. Pendant qu’on discutait,
il y avait une distribution de vivres pour chaque famille du village. Le
gouvernement envoie une boîte contenant des produits de base (huile, farine,
riz) a chaque 2 semaines. Sur la boite, il y avait des inscriptions officielles
du gouvernement ainsi qu’une photo du président. Le jeune père de famille me
montrait cette photo avec un signe se coupant la tête…ça veut tout dire de leur
appréciation de leur gouvernement… Un cargo par semaine apporte des denrées
plus fraîches, mais comme il n’était pas passé encore…et bien je n’ai eu accès
qu’à quelques oignons et un gros chou... Il n’y a aucune agriculture ici
puisque c’est que du sable ou des mangroves qui forment le paysage des îles de
Los Roques. Les hommes vivent de pêches et de l’industrie du tourisme. On voit
quelques petits avions qui arrivent chaque jour du continent, amenant des
touristes vénézuéliens pour la journée ou la semaine. Ces clients sont
transportés par petits bateaux chaque jour sur une des magnifiques plages des
iles aux alentour, et reviennent avant la nuit sur Gran Roques. Une offre
d’auberges et de restaurants semble bien organisée pour ces clients à l’ile
principale.
Arriba, Soyoqui, Crasqui, Carenero, Cayo de Agua, ce sont quelques-unes
des petites îles devants lesquelles nous avons mouillé. Toutes des îles
inhabitées, avec de longues plages de sable fin. L’eau est de mille teintes de
bleu turquoise. Les îles sont entourées de récifs de coraux, donc de très
belles plongées à faire. La faune est riche et on a vu des milliers de poissons
de toutes les couleurs, et parfois des gros! Dans les coins ou nous étions
isolés, on en a profité pour sortir les harpons. On adore tous les deux allé
chasser. L’eau n’est pas aussi claire que les eaux cristallines des Bahamas mais
elle est chaude et agréable. On déplore la présence parfois de minuscules
méduses. Heureusement elles ne brulent pas au contact de la peau. Ici on
rencontre très peu de voiliers et de rares bateaux à moteur provenant du
continent. Nous sommes vraiment isolés et on apprécie cette solitude.
J’apprécie vivre dans (ma plus simple expression) et de nager toute nue… Je
n’avais jamais imaginé vivre une vie de nudiste un jour, comme quoi il ne faut
jamais dire jamais! On passe nos journées en maillot de bain ou simplement nus.
L’avantage est que ça ne fait pas beaucoup de lavage…
De nombreux coraux et surtout des hauts fonds de sable
partout, rendent la navigation à risque. Nous sommes traumatisés de notre
échouage à Spanish Wells aux Bahamas et du bris du safran. Par conséquent, nous
sommes extrêmement vigilants, et oui, pas mal nerveux! Les cartes ne sont pas exactes quant à la
profondeur des eaux, le GPS n’est pas toujours précis quant à notre position
par rapport aux obstacles. C’est donc avec les yeux sur le profondimètre et une
surveillance constante sur les différentes couleurs de l’eau qu’on approche les
mouillages lentement mais surement. Aucun incident n’est arrivé jusqu’à date,
mais ancrer avec parfois 2 pieds seulement sous la quille, on n’aime pas trop
ça.
20 Aout
Aves de Barlovento
et Isla Larga sont d’autres petites
îles plus à l’ouest qui appartiennent aussi au Venezuela et où nous avons passé
quelques jours. Des îles inhabitées, entourées de récifs qui protègent bien des
vagues du large, rendent les mouillages confortables. Nous sommes exposés au
vent (il fait moins chaud et c’est excellent pour l’éolienne!) mais pas exposés
aux vagues, c’est donc parfait! On se retrouve au milieu de plusieurs petites
iles de sable, et on n’en revient pas d’avoir la chance d’être ici! Il y a
beaucoup d’oiseaux marins qui vivent sur ces iles. On les entend piailler, on
les voit virevolter autour du bateau, on les voit plonger dans l’eau, c’est
assez impressionnant. Ils sont des milliers. Je ne pourrais les nommer car il y
a différentes sortes mais je reconnais les plus gros, d’immenses pélicans, qui
plongent toute la journée dans l’eau remplie de poissons, un buffet à volonté
tellement la mer est généreuse ici.
Nous avons, à nouveau, été visités par des gardes côtiers sur
Isla Larga. Aucun habitant mais 3 jeunes gardes embauchés par le gouvernement
vénézuélien, qui vivent isolés sur cette petite ile, et qui accueillent les
rares bateaux de plaisance qui passent. Ou qui s’assurent que les quelques
pêcheurs qui viennent jusqu’ici font leur travail dans les règles de l’art. Ils
assurent la sécurité des lieux! Ils ont été très gentils et polis, et on
appréciait que celui en charge parle assez bien anglais. Ils viennent se faire
porter en bateau pour une période de 45 jours, avec leurs vivres, sans autres
supports. Ils retournent sur le continent pour quelques jours et reviennent ici
ensuite. Le responsable aime son travail, trouve que c’est un très bon job,
qu’il fait depuis 4 ans. Ils ne semblent pas être beaucoup occupés, et n’ont
pas trop de distractions, mais ils sont charmants et semblent satisfaits de
leur sort.
Nous avons connu le bonheur de vivre pendant 2 jours devant
une minuscule île qui se nomme Long Island. Lorsqu’on s’imagine des images
tropicales merveilleuses, lorsqu’on rêve d’un voilier devant une plage déserte,
sur une belle eau turquoise, lorsqu’on fantasme à se prendre pour Robinson
Crusoé sur son île, et bien c’est ici! Je n’en crois pas mes yeux… c’est d’une
beauté indécente! Je suis gênée de ne pouvoir partager la vue qu’on a avec
vous! Stéphane a sorti son kite surf,
j’ai joggé sur la plage, on a nagé, plongé, chassé les poissons, on en a bien
profité.
Nos journées passent vites, même ici ou le temps semble être
arrêté. Chaque jour on part explorer dans l’eau, on va prendre de grandes
marches sur les plages, on entretien le bateau ou on prépare notre prochaine
navigation sur une autre ile. Je passe beaucoup de temps dans l’eau et j’adore
ça. J’aime ce que la nage m’apporte comme bien être.
Entre les baignades, la préparation des repas, quelques
lectures, l’apéro en fin d’après-midi tout en jouant au Cribble ou au
Backgammon, un bon souper en regardant le soleil se coucher, et le soir, on
regarde des séries enregistrées. Nos journées passent vraiment très vites. On
ne s’ennuie pas. Je pense parfois à nos proches qui travaillent et qui ont une
vie de fou… et je me sens tellement privilégiée de vivre la vie que je mène
présentement, en bonus avec l’homme que j’aime!
Je ne voudrais plus retourner en arrière et reprendre cette vie
stressante…
Ça fait 2 semaines que je n’ai pas fait d’épicerie et qu’on
a aucun accès à de l’approvisionnement mais on mange encore super bien. J’ai
réussi à tenir des fruits et légumes frais et de la salade pour une semaine.
Maintenant, un gros chou nous permet de se faire de bonnes salades (mélangé
avec des pommes vertes qui se gardent plus longtemps et des canneberges
séchées, c’est excellent). Des pommes de terre rissolées dans du gras de canard
(récupéré d’un restant de gésiers de canard en conserve). Du poisson frais et
des langoustes parfoid, un peu de viande qui reste congelé dans le congélateur.
Du riz assaisonné de différentes façons. De la sauce a spaghetti préparée à
Grenade. Des gnocchis (scellés sous vide qui se gardent des mois) au bacon,
oignons et à la crème, des sandwiches, des wraps, des pizzas, des omelettes, on
a tout ce qu’on a besoin! J’ai toujours du lait UHT et des boites de crème UHT
dans mes coffres. J’ai découvert des yogourts UHT qui se conservent aussi à température
ambiante, ce qui est bien pratique lorsqu’on a un très petit frigo. J’ai trouvé
de l’humus en conserve. Mélangé avec une grosse cuillère de pesto, ça rehausse
le gout et ça accompagne bien notre bière à l’heure de l’apéro. J’ai toujours
des biscottes et des craquelins pour accompagner des pâtés en conserve, ou des
fromages gardés au congélo. J’ai aussi toujours des réserves de légumineuses,
fruits et légumes en conserves, soupes et potages en boite ou en
sachet, qu’on utilise que très rarement.
Et pour ce qui est de notre unique bière quotidienne, ou le vin, on
prévoit notre coup. Mon capitaine s’assure de tenir une bonne réserve. Il a
encore ses meilleurs vins de sa cave à Candiac à bord… Bref je vous affirme que
bien manger et bien boire, c’est important pour nous et on ne lésine pas sur ce
bonheur.
On pense à nos amis de Frimousse qu’on a laissés à Grenade.
Ils restaient plus longtemps et viendront nous rejoindre dans quelques
semaines. On pense à nos amis de Rodignard qui préparent leur voilier pour de plus
longues traversées. Ils devraient quitter Grenade à la mi-septembre pour se
diriger vers nous et venir nous rejoindre quelque part dans l’ouest. Nous
apprécions beaucoup avoir ces amis, mais présentement, on profite du temps
précieux, juste à nous.
La pêche
J’aimerais partager plus en détail une de nos activités
préférées : la chasse sous-marine! C’est très demandant physiquement mais
combien gratifiant. Quel bonheur de prendre des beaux poissons, et de les
manger frais.
D’abord chasser la langouste. C’est plus facile que le
poisson car elle ne bouge pas trop, elle! On les trouve cachées sous les têtes
de corail ou sous des roches. Il faut les chercher, on n’en voit pas souvent.
On doit plonger à répétition, en rasant le fond, dans de 4 à 8 pieds d’eau,
pour les trouver. Notre œil est maintenant plus aguerri pour les apercevoir. On
se concentre sur les antennes. La langouste se tient reculer dans le fond d’un
trou mais souvent les bouts de ses antennes sont visibles. C’est là qu’on doit
retenir notre souffle, se planter au ras du sol, étendre notre sling
(dispositif en caoutchouc qui s’étire pour tendre au maximum et ensuite lancer
le harpon sur la cible), et tirer. Malgré
que la langouste ne bouge pas vite, ça nous arrive de la manquer. Dans ce cas,
elle se cache encore plus profond, et c’est presqu’impossible de la retrouver.
Quel joie d’en rapporter quelques-unes au bateau. C’est assez facile de les
décortiquer. C’est une magnifique bête et on apprécie beaucoup son gout fin, à
la texture d’une queue de homard.
Le poisson par contre nous donne
beaucoup de fil à retordre, c’est pourquoi lorsqu’on en attrape un, la
satisfaction est à son comble! Avec un livre, on a d’abord appris à choisir les
bons à manger, parmi les centaines qui nagent devant nous. Les gros poissons
perroquets et ceux de la même famille, ainsi que tous ceux qui se nourrissent
de corail ne sont pas comestibles. La chair est trop coriace et ils sont à
risque de contenir la ciguaterra, bactérie qui atteint le système nerveux.
Ensuite on élimine tous les petits poissons de moins de 12 po. Une fois
dépecés, ils ne donnent que quelques bouchées. C’est tellement difficile pour
Stéphane de décortiquer des poissons tropicaux avec leurs peaux très dures, les
écailles, les nageoires indélogeables, et les arêtes à retirer, que ça ne vaut
pas la peine et qu’on renonce aux petits. On se concentre donc sur les gros
Vivaneau, Snapper, Porgy, Tazar, Grunt (désolée je connais les noms en anglais
seulement…). Mais les gros nagent vites, trop vite! Et ils se cachent dans les
coraux, ils sont fins! Les coraux se composent d’une multitude de formation
dures comme la roche, avec des cavités, des crevasses, et un labyrinthe de
trous communiquant entre eux. Lorsqu’on approche les petits poissons, ils
restent tous devant nous. Comme s’ils savaient ne pas être une proie pour nous.
Mais dès qu’on aperçoit un beau grand poisson qui nous donnera de bons filets
dignes de notre assiette, et bien ils disparaissent aussitôt, en entrant par un
trou et en s’y cachant, ou plus insultant encore, ils entrent par un trou et
ressortent beaucoup plus loin, presqu’en nous narguant… Et lorsqu’on réussit
finalement à tirer sur un et a le harponner, il arrive régulièrement qu’il se décroche du harpon et qu’on le perd.
Si on a tiré dans sa chaire plus molle, celle-ci déchire et le poisson s’en va
mourir dans le fond d’un trou. Quel dommage. Il m’arrive aussi que je vise un
poisson juste sous mes yeux, mais que je renonce à tirer car celui-ci est placer
devant une grande crevasse et que je perdrais mon harpon dans le trou, ou que
le poisson se débâterait avec mon harpon planté dans le corps et entrainerait
celui-ci dans le fond d’un trou inaccessible. On doit être patient,
persévérant, et habile pour chasser. On doit également surveiller les
barracudas menaçant qui tournent souvent autour. En plus de nos slings hawaïennes
(qui fonctionne sur le principe du tir à l’arc mais on doit être à un maximum
de 2 à 3 pi de la cible pour que ça transperce) on a fait l’acquisition d’un harpon-fusil.
C’est le même principe de bandes de caoutchouc qu’on arme pour lancer un harpon
mais la force est supérieure et on peut atteindre une cible à 5-6 pi de
distance. On alterne et on s’échange les jouets…mais comme je suis incapable
d’armer le fusil car ça prend plus de force de bras pour remettre le dispositif
bien bandé, je dois humblement avoir l’aide de mon homme pour me supporter dans
cette activité.
Bref la pêche, est un sport
exigeant, mais tellement fascinant. On adore jouer dans l’eau et aller voir et
revoir les coraux et les poissons. Avec la chasse, ça rend les plongées encore
plus stimulantes, et gratifiantes lorsqu’on ramène enfin un poisson dans notre
dinghy!
Aucun commentaire:
Publier un commentaire