Panama : Au pays des Kunas
Le 3 Novembre, nous avons quitté la Colombie, en route vers
le Panama. Un autre 335 MN au compteur, près de 3 jours (et 3 nuits!) de
navigation. La première journée fût rapide, avec un vent au portant de 20nds.
La seconde journée fût plus lente avec un vent de 10nds. Et on a terminé notre
route au moteur avec pas de vent du tout. C’est encore exigeant de vivre au
rythme des quarts de nuits, et de subir les vagues… mais bon, il faut ce qu’il
faut. Les départs sont encore stressants et ça nous sort toujours de notre zone
de confort, mais c’est le prix à payer si on veut découvrir de nouveaux pays!
Nous avons dû faire notre entrée officielle a Linton Isla,
premier endroit à fournir le cruising permit ET les services d’immigration dans
le même coin (même pas dans le même village en plus!). C’est vraiment absurde
qu’on ne puisse pas faire nos formalités aux San Blas, qui sont situées sur
notre route, lorsque l'on arrive de l’est. Nous avons dû parcourir 40 MN vers
l’ouest, faire nos papiers, et revenir sur nos pas, 40MN vent dans le nez, pour
aller ou nous voulions au départ. Mais bon, nous sommes dans les Caraïbes… les
règles sont inexplicables parfois!
Les Iles de San Blas sont un vaste archipel comprenant 340
minuscules îles, situées au nord-est du continent. Ses habitants sont nommés
des Kunas. Ce sont des indigènes, qui vivent selon leurs anciennes traditions,
et qui gèrent leur territoire, qu’ils appellent Guna Yala. Le nom San Blas a
été donné par les espagnols conquérants et ces indiens n’aiment vraiment pas ce
nom. Les Kunas ont acquis une certaine autonomie vis-à-vis le gouvernement
Panaméen et ils gèrent leur territoire et leur mode de vie comme ils veulent.
Avant mon départ pour notre grand périple à voile, j’avais
le fantasme de rencontrer un jour des communautés (voir des tribus!) qui vivent
sur des petites îles isolées, en harmonie avec la nature et leur environnement.
Et bien j’ai réalisé ce rêve, ici, au pays des Kunas! Ils ne sont pas
complètement déconnectés du reste du monde car à l’aide d’un petit panneau
solaire, ils ont leur cellulaire et parfois une télé reliée à un satellite.
Mais ils vivent humblement, autosuffisants et sans aucun employeur local.
Nous avons visités quelques îles peuplées, qui accueillent
40 ou 50 familles. Les jeunes femmes ont en moyenne 8 enfants alors il y a de
nombreux petits Kunas qui courent partout! Ils habitent dans des huttes très
rudimentaires, faites de bambous et de feuilles de palmiers. Sans électricité ni
système d’égout, chaque cabane est construite sur terre battue, et pourvue de
hamacs pour dormir, et parfois d’une télé et très rarement, d’un frigo. Aucun autre meuble! Pour la plupart des autres îles, à peine 2-3 familles y vivent et
entretiennent leurs palmiers et vendent les noix de coco. Ils permettent aux
touristes d’aller se promener sur leur île, et espèrent qu’on leur achète
quelque chose ou qu’on fasse des contributions volontaires.
Nos premiers contacts avec ce peuple furent un peu mitigés.
Ils veulent nous vendre des choses et peuvent parfois être insistants. Les
hommes pêchent et viennent nous accoster, dans leur pirogue fabriquée a même un
tronc d’arbre. Ils nous vendent leurs prises du jour (poissons, langoustes, crabes
ou pieuvres). Les femmes font de l’artisanat et viennent chaque jour nous
solliciter. Au début, on se sentait mal de ne pas acheter. Les poissons et
langoustes sont les bienvenus car nos réserves de viandes sont épuisées. Mais
l’artisanat…c’est magnifique mais on ne peut rapporter tous ces souvenirs dans
chaque pays visités…
Mais nous avons aussi rencontré des gens très
aimables, accueillants, et fiers de leur petit coin de paradis. Une de ces rencontres extraordinaires
fut avec Antonio, un jeune garçon de 20 ans. Il nous a pris sous son aile lorsque l'on s’est arrêté sur son île. Une
chance que Stéphane parle quelques mots espagnols et que le langage des mimes
est universel. Nous avons pu communiquer suffisamment pour mieux apprendre sur
leur mode de vie. Antonio nous a fait visiter son petit village, nous a présenté
à sa famille et à ses amis, et nous a invité à venir participer à une fête
typique qui avait lieu le lendemain. Nous avons eu la chance d’assister au
partage du chicha, boisson faite de vin
sucré, en l’honneur d’une jeune fille qui a atteint sa puberté. Les parents de
celle-ci offre le chicha, ainsi que des bonbons et des cigarettes (!) a tout
le monde, pendant l’après-midi au complet. Une petite danse spéciale se fait par
les hommes avant qu’ils viennent nous offrir un bol de chicha, qu’il faut
boire au complet. Et ils reviennent souvent… Les femmes dansent et boivent
aussi, tout en fumant la pipe! En même temps, dans une maison à côté, on rase
la fêtée qui vient d’avoir ses règles. On n’a pas vraiment compris pourquoi
cette petite devait subir cette cérémonie… Les femmes l’entourant étaient pas
mal sur le rhum…laissant les nombreux enfants s’amuser entre eux. Les enfants sont magnifiques et très affectueux. J'ai eu la chance de m'amuser avec eux et j'étais ravie!
Laissez-moi vous expliquer comment les femmes s’habillent. Elles
fabriquent des molas. Ce sont des broderies faites à la main, avec différents
motifs très colorés, sur un carré de tissu, que les femmes ajoutent sur le
devant et le dos d’une blouse, qui elle est déjà à motif. Toutes les femmes
sont vêtues de leur habit traditionnel, avec cette blouse a mola, sur un paréo
d’un autre motif qui sert de jupe, et elle ajoute une étoffe d’un rouge clair
comme un fichu sur la tête. De plus, elles portent une série de petites perles
montées en long bracelet qui part du poignet jusqu’au coude, et de la cheville
jusqu’au genou. L’effet est saisissant car c’est vraiment très coloré. Pour les
fêtes spéciales, elles agrémentent leur apparat d’un maquillage particulier. Elles se colorent les joues d'un rose vif ou trace une ligne verticale à l’encre noire, qui part du milieu du front jusqu’au bout
du nez. J'ai eu droit a une ligne sur le nez en guise d'invitée. Je me sentais un peu plus proche de ces femmes. Mais ce qui devait être temporaire a durer 3-4 jours... Une chance que je n'avais pas de rencontres formelles a faire!
Les femmes plus âgées portent un anneau doré dans le nez. J’aurais
tellement aimé pouvoir les photographier, mais elles sont catégoriques, je ne
pouvais pas les prendre en photos. Seuls
les enfants et les adolescents étaient ravis de se faire prendre en photos. J’avais apporté des galettes faites maison ainsi que
quelques cahiers, cartons et crayons de couleurs, pour les enfants. Ce fut
apprécié je crois. Les Kunas nous ont offert de la boisson, et nous ont acceptés,
en étant sincèrement contents que nous soyons là. En aucun temps on se sentait
voyeur ou mal à l’aise. Quelle expérience extraordinaire!
Nous avons navigué tranquillement au travers ces petites
îles paradisiaques pendant 5 semaines. On a changé de place pas moins de 18
fois, en découvrant des endroits plus beaux les uns que les autres. Les
approches au mouillage sont parfois stressantes car il y a beaucoup de hauts fonds
et de coraux, et les cartes sur nos GPS ne sont pas exactes dans ce coin
reculé. La navigation a vue combinée avec les yeux sur le profondimètre nous a
bien mené à de superbes ancrages dans des eaux de différentes teintes de bleu
et turquoise. Les récifs entourant les îles cassent les vagues provenant de la
mer des Caraïbes alors on ne subit aucun swell (mouvement rouleur et désagréable qui nous
fait bercer de gauche a droite sans arrêt). C’était très confortable.
Nous avons beaucoup plongé en apnée. Il y a de magnifiques
récifs remplis de couleurs. Les poissons sont variés mais peu nombreux. On
s’est retenu de chasser, malgré l’envie qui nous tenait. Les Kunas n’ont aucun
revenu autre que la vente de leur pêche alors nous avons plutôt encouragé
l’économie locale. Nous avions accès à de belles langoustes, des snappers,
crabes, etc. On s’est régalé de poissons en masse!
On se déplaçant entre les Iles, on mettait la ligne à l’eau
et nous avons attrapé à deux reprises de belles bonites (dans la famille des
thons). Un jour que nous étions en déplacement dans le Golf des San Blas, j’ai
vu des dauphins qui nageaient à notre rencontre. On a arrêté le bateau en plein
milieu et je me suis mise à l’eau avec mon masque. Quel bonheur et excitation
de voir une dizaine de dauphins nager juste à côté et sous moi. Je les
entendais! Un petit cri de joie très particulier! Je ne pensais jamais vivre ça dans ma vie!
Nous attendions la visite de ma fille aînée et de ma sœur
pendant notre séjour aux San Blas. Elles ont voyagé ensemble sur le continent la semaine
précédente, et venaient nous rejoindre a Carti par une route de terre dans les
montagnes, jusqu’au bord de la mer, côté Atlantique. On les a cueillies sur le
quai (après une journée entière de retard causée par une mauvaise communication
avec le chauffeur!). J’étais vraiment heureuse de les recevoir et de partager toute
cette beauté avec elles.
Ma sœur Hélène n’était jamais venue sur notre voilier, ne
connaissait pas la vie sur l’eau, et n’avait jamais fait de plongée. Elle a
découvert plusieurs découvertes dont les fonds marins et fut très impressionnée. Elle se croyait comme dans un film! Martine a été très bonne de voir un barracuda sans trop stresser, et de nager avec des requins nourrices sans paniquer! Malgré que ces requins ne sont pas agressifs, c'est quand même intimidant de les voir si proche. Et que dire des raies tachetées, qui nagent comme de gracieux oiseaux battant lentement leurs ailes dans l'eau! C'était magique.
Nous avons fait quelques séances de yoga sur des plages magnifiques. Nous avons discuté et bien ris, et (pleureur aussi...). On s'est fait de bonnes bouffes. On a joué aux cartes, on a dansé, on a chanté avec nos amis de Frimousse, et on s'est même payé une partie de beach volleyball. Quel bonheur de jouer avec ma grande, elle qui a joué élite dans sa jeunesse! Une belle complicité régnait sur le terrain! En plus, la saison des pluies s'est terminées soudainement, juste avant leur arrivée. C'est donc sous le soleil qu'elles ont passé la semaine. J'étais tellement heureuse de partager un petit bout de ma vie de rêve avec elles! Voici un vidéo préparé par Hélène, résumant ces moments mémorables. Merci la vie!
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