24 Octobre
Nous avons pris presque 2 semaines pour descendre à partir
de Anapolis, jusqu’au sud complètement de la baie de Cheasapeake. Chaque soir,
nous avons dormi à l’ancre, dans des petits abris tranquilles, paysages
bucoliques, la plupart du temps avec très peu de bateaux ancrés près de nous. Toutefois,
comme je le disais, il faut prévoir chaque fois, de 1h à 2h pour se rendre dans
une creek protégée et le même parcours le lendemain pour revenir dans la grande
baie.
Nous avons été très chanceux car la température était
exceptionnellement belle et chaude pour cette période de l’année. On a même pu
se baigner un peu. Nous pouvions prendre nos douches dehors, sur la plage
arrière du voilier, avec nos réserves d’eau douce. On n’a pas encore eu
l’occasion de faire fonctionner notre déssalinateur car on attend d’être en
pleine mer mais nos réservoirs sont grands en masse. On peut facilement les
remplir d’eau lorsqu’on va aux quais faire le plein de diesel. Nous n’avons
jamais fait autant de moteur que depuis que nous sommes partis du Lac
Champlain. Stéphane est déçu de ne pas faire autant de voile qu’il le
souhaiterait. Sois qu’il n’y a pas assez de vent, soit qu’on l’a en pleine
face, soit qu’on doit passer dans des endroits trop étroits. Bref on se rend
compte que nous ne sommes plus en navigation de plaisance comme avant et de se
laisser voguer au gré du vent… Nous avons une destination précise chaque jour
et nous devons avancer en conséquence.
La vie à bord est toujours agréable. Je me surprends
moi-même de m’adapter si facilement à cette nouvelle vie, à ce rythme plus
lent. Sur un bateau, tout est plus long à faire que dans la vie normale. C’est
pourquoi on se surprend à se dire que chaque jour passe trop vite car on n’a
pas eu le temps de faire tout ce qu’on souhaitait faire. Moi qui a toujours été
une hyperactive, et capable d’accomplir un tas de choses dans une journée ! Nous vivons vraiment comme tous les retraités
que je connais et, faut que j’avoue, que je jugeais un peu : pas
d’activités professionnelles mais toujours dans le jus ! Je ne pensais jamais
être rendu là…
Nous avons établi notre routine et chacun respecte les
besoins de l’autre. Stéphane s’applique toujours autant à maintenir le bateau
propre. Par contre, il se résigne qu’en eau salée, il n’y arrivera pas et qu’il
devra baisser ses critères… Je cuisine et j’aime ça. Je n’ai jamais fait autant
de gâteaux (santé quand même) que depuis que je vis sur le bateau ! Mon
capitaine a la dent sucrée et il n’apprécie pas nécessairement les desserts
américains. Il me reste à faire du pain maintenant. Comme le pain est
accessible partout, je ne me suis pas investi dans cette nouveauté encore mais
je me promets de faire mon pain un jour.
Nous avons fait beaucoup de lectures sur des ouvrages de
navigation ou des guides de référence que nous souhaitions faire avant de
partir mais pas eu la chance encore. On étudie, on apprend chaque jour des
nouvelles choses, on échange sur nos lectures. On expérimente notre radio HF
aussi. La plupart des matins, on écoute le Réseau du Capitaine et à l’occasion
on échange avec les navigateurs. Je suis en mesure d’aller chercher mes
fichiers météo, d’envoyer des courriels, et de faire mes rapports de position.
Tranquillement la maitrise des technologies s’installe, mais on est encore loin
du but. On se sent parfois tellement démunis, mais des fois on se trouve pas
mal hot d’être rendus où nous sommes.
Comme on se couche tôt le soir, on se lève à l’aube. Nos
journées sont toujours à l’extérieur. Le grand air nous donne faim et on
n’arrête pas de manger. On mange très bien, souvent, mais pas de grandes
quantités à la fois. Je vais jogger sur terre au moins 2x/semaine. Je fais des
étirements, et même de la danse, sur le bateau à l’occasion. Toutefois, j’avoue
que je bouge pas mal moins qu’avant et j’ai peur de prendre du poids… mais ceci
n’est pas le but de ma chronique !
En fin d’après-midi c’est l’heure de l’apéro et de la collation
fancy. Des fois avec Jean-Denis et Louise de Néméa, des fois seuls entre nous.
Le souper est souvent vers 19h ou 20h. On peut jouer au cribble ou au backgamon
un petit peu et hop au lit. On dort bien et longtemps. Beaucoup plus longtemps
qu’à la maison. La télévision ne me manque absolument pas, contrairement à ce
que je pensais. Le Blackberry ne me manque pas non plus. Je me surprends à
complètement oublier ma vie d’avant… Autant j’aimais beaucoup mon travail,
autant ça ne fait plus parti de ma vie actuelle et ça ne me manque pas.
Heureusement que nous avons acheté des données internet et que je suis toujours
en contact avec mes proches. La tablette est encore importante dans ma vie pour
Facebook, pour faire des Facetime ou Messenger avec mes enfants et mes parents,
pour les courriels, et pour LaPresse+.
J’ai peur de trouver difficile le fait de ne pas avoir accès à wifi
lorsque je serai dans de petites iles dans le Sud…
Nous avons donc rentré à Norfolk le 20 Octobre. Norfolk est le
plus grand chantier maritime de la Navy américaine. Il y a un grand nombre de
bateaux de guerre en construction ou accostés dans le port. Des hélicoptères de
l’armée qui supervisent les airs à longueur de journées. Un port industriel
assez occupé. Des bateaux de plaisance qui entrent et sortent, des régates de
petits voiliers, bref le retour à la civilisation était un peu brutal. Nous
avons ancré juste devant le centre-ville et avons été marché dans la ville
quelques heures. Le grand musée de navigation de guerre aurait beaucoup
intéressé mon père (il se reconnaitra ici !) mais ne nous intéressait pas
particulièrement. Nous avons quand même apprécié marcher dans l’ancien quartier
et découvrir les belles maisons près du centre-ville, et de se promener sur la
rive.
Nous avions comme plan de lever l’ancre tôt le lendemain et
d’entreprendre l’ICW (Intracoastal Waterway) pour atteindre Beaufort en
Caroline du Nord. Nous voulons absolument éviter de passer devant Cap Hatteras
car la mer n’est pas souvent belle dans cette région pour plusieurs raisons
(les vents, les haut-fonds, le Gulf Stream). Les plans ont changé. Ça arrive
souvent en navigation et on doit s’adapter. Le guindeau (équipement motorisé
qui aide à jeter et lever l’ancre et sa chaîne de 140pi) est brisé. On ne peut
pas prendre le risque d’entreprendre 3-4 jours de navigation dans l’intracostal
sans pouvoir ancrer… De plus, il annonçait des vents de 30-35kts du nord et il
fallait se protéger. Pour ceux qui ne savent pas ce que je veux dire par
kts : c’est une vitesse
comptée en nœuds. Un nœud = un mille marin/heure. Un mille marin représente
1.8km. Donc des vents de 35kts = plus de 60km/h et on ne veut pas se farcir ça
en pleine face à l’ancre… On y a gouté à Cape May et on ne se fera plus prendre
si on peut l’éviter. Nos amis de Néméa que nous avions quitté quelques jours
avant, ont choisi d’aller à une marina à Hampton et ils nous ont réservé une
place. Nous avons parcouru 2h pour revenir sur nos pas, et avons bien apprécié
cette marina. C’est un luxe qu’on ne se payera pas souvent car c’est
dispendieux les marinas, mais on apprécie avoir accès aux quais, électricité,
eau courante, grandes installations de douches, buanderie à la portée. Nous
étions ravis de retrouver nos amis et encore, de profiter de leurs conseils et
enseignements. Nous avons soupé en ville avec eux et avons partagé des beaux
moments. J’ai pu aller jogger, aller faire de grandes provisions au Wallmart
(je suis une fan maintenant, moi qui n’y allait jamais à la maison !) Ce
magasin est pratique car on trouve de tout sous le même toit, et l’épicerie est
un peu plus raffinée que les épiceries ordinaires aux USA. Le bateau est rempli
à craquer de réserves, de victuaires, de vins, de gâteries. Depuis Plattsburg
que je fais des provisions en prévision du coût très élevé aux Bahamas et
surtout du manque de ressources. J’ai des réserves partout. Je me suis même
fait un fichier excel, avec plusieurs onglets, pour connaître le compte de
chaque item, et surtout pour me rappeler où je peux les trouver…Il y en a dans
les coffres derrières et sous les banquettes du carré, sous les planchers à
différents endroits, sous le lit avant, avec la tuyauterie des toilettes, sur
le lit arrière. On pourrait faire une traversée d’un mois qu’on ne manquerait
seulement que quelques produits frais…
Stéphane a travaillé sur le guindeau, en à commander un
nouveau flambant neuf, pour réaliser que, peut-être, nous avons seulement
besoin de faire réparer le moteur. La livraison de la pièce se fera à Beaufort,
mais entre temps, nous tenterons de trouver un endroit aussi à Beaufort, pour
faire réparer celui qu’on a pour beaucoup moins cher. Nous avons profité de
Hampton pendant 2 nuits et les vents annoncés.
Nous avons entrepris l’ICW hier matin en compagnie de Néméa.
Le Dismal Swamp Canal, que j’avais pris lors de mon convoyage en juin est
fermé. L’ouragan Mattews est passé par là il y a quelques semaines et a fait
des dégâts. Les débris ne sont pas encore tous ramassés. On a donc pris la
Virginia Cut. Un peu plus long mais pas mal plus large, et plus profond. C’est
donc un très bon choix. Par contre, il n’y a pas beaucoup d’endroit pour
ancrer. Après 9h de moteur, nous avons finalement jeté l’ancre dans un endroit
désert, pas beaucoup protégé, en souhaitant que ça ne brasse pas trop. Le vent
a baissé et on a dormi très confortablement, frais et dispo pour reprendre la
route. Stéphane a été en mesure de relever l’ancre « à bras », sans
l’usage du guindeau, et ce fût plus facile qu’il le pensait.
Nous avons bien avancé et avons même pu sortir les voiles
dans les parties plus larges. Comme il n’y a pas d’endroit pour ancré, nous
avons décidé d’aller dans une marina juste avant entreprendre la Alligator
River, toujours avec nos amis de Néméa. L’accostage est notre hantise ici, dans
le sud, avec les poteaux au lieu des quais avec taquets. Nous devons entrer
entre deux séries de poteaux et attacher nos amarres de façon que nous ne
sommes pas familier. En plus, le vent ou le courant nous emporte dans une
direction non désirée… Stéphane est très stressé et il déteste ces maudits
quais du sud. J’ai confiance qu’après quelques expériences nous serons
meilleurs et plus confiants, mais pour l’instant, ce n’est vraiment pas facile
et agréable. Moi qui s’était améliorée à la barre pour les accostages et le largage d’amarres, ici je trouve difficile les manœuvres avec le vent et le
courant. Nous sommes dans la cour des grands maintenant et ça n’a rien à voir
avec le Lac Champlain. Nous ne sommes pas à l’aise mais nous sommes convaincus
que ça viendra. Ce qu’on se rappelle le soir en soupant, c’est notre belle
navigation durant la journée alors c’est bon signe!
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