jeudi 1 juin 2017

Pas encore à l'eau...

1er Juin

Je me souviens que dès que les filles sont reparties le 30 mars, nous nous sommes mis en mission de faire réparer le safran pour de bon. Ça fait donc plus de 2 mois et ce n'est toujours pas réglé! J'apprends la résilience et la patience...Une chance que nous n'avons pas un travail qui nous attend, et que nous avions pris une sabbatique juste pour ce projet. On serait pas mal plus frustrés. Malgré tout, on reste zen et on se dit que nous sommes toujours en apprentissage. On apprend également à mieux connaître notre bateau ainsi que les technologies et outils de navigation, ce que nous n'avions pas eu le temps de faire avant de partir. Faut voir les bons côtés...

Nous sommes sortis de l'eau depuis 3 semaines et 2 jours aujourd'hui et on n'ose même pas espérer quitter le chantier maritime d'ici la semaine prochaine. Le matériel spécial pour fabriquer la pièce qu'on collera au bateau pour accueillir le safran est en commande mais pas arrivée à ce jour! Il faut ensuite fabriquée cette pièce, dessinée sur mesure, qu'on nous l'envoie, qu'on l'installe ici, et qu'on nous remettre à l'eau... en plus, il faut que tous les intervenants (ici et fournisseurs externes) soient alignés et synchronisés, ce qui serait un exploit en soit. L'industrie maritime ici en Floride n'est vraiment pas accommodante, ni orientée service à la clientèle. Ils ont une telle indépendance qu'ils sont même arrogants. Les clients viennent quand même et sont tous désespérés à trouver des solutions à leurs problèmes de bateaux, coûte que coûte... conséquence = $$$

Et des problèmes sur un bateau, il y en a tout le temps. Je cite mon capitaine: "mais c'est jamais fini! L'entretien d'un bateau c'est une histoire sans fin! Nous n'anticipions pas l'ampleur des choses à faire. Et nous avons un voilier extrêmement bien entretenu! On imagine les bateaux qui ont manqué d'amour... ça doit être décourageant. On nous avait informé que tout brise sur un voilier et qu'il faut constamment réparer, remplacer des pièces, diagnostiquer un problème et trouver sa solution. C'est vrai! Et on ne fait que commencer notre périple... Il faut admettre qu'on profite du temps d'arrêt pour tout faire en même temps, alors les efforts sont plus concentrés, par conséquent mon capitaine est fatigué et écœuré... avec raison. Tout ce qu'il fait comme projet est, pour la plupart, une première fois. Il apprend sur le tas, et encore et toujours, j'admire sa persévérance. Des jours on pense avoir avancé, le lendemain, on trouve un nouveau problème et on a l'impression de reculer.

Il a trouvé des gouttes d'eau sur un mur de la chambre arrière. Après avoir tout revirer à l'envers, on se rend compte que c'est une vis qui retient notre arche extérieure sur le pont qui coule. Grosse job! Il faut libérer du poids sur l'arche, la solidifier avant de retirer les vis, il doit faire du fibre de verre pour solidifier la base, ajouter une plaque solide taillée sur mesure pour une meilleure prise, et réinstaller le tout. Ça nous a pris 2 jours! Moi je suis l'assistante, telle une infirmière qui fourni les instruments au chirurgien! Un travail d'équipe...Je suis loin de mon travail de gestionnaire et de mes réunions avec les client! Mais je ne veux pas être nul part ailleurs!

L'installation du nouveau tangon de genois: une autre aventure! Personne pour nous guider comment faire, on doit se débrouiller. On fait des recherches, on parle à différentes personnes ainsi qu'au fabricant et ils ont tous leur avis, mais rien de très concret, ni constructif... On discute ensemble, et pour chaque étape, on se dit que deux têtes valent mieux qu'une. Mais on doit se fier à notre instinct peu expérimenté. A quelle hauteur on installe ça? Comment va-t-on le manier? Qu'est-ce que ça prend pour faciliter la manipulation en pleine mer? Stéphane a dû percer 33 trous dans le mat pour installer la rail qui accueillera le tangon ainsi que 12 autres pour les pièces accessoires. Ce n'est pas juste percer avec une drille! C'est poinçonner avec des outils de différentes dimensions, percer, nettoyer, faire les "treads" pour accueillir les vis, graisser, visser, une par une, pour 45 fois! 1 1/2 journée pour ça! Au gros de soleil! Quel courage et quelle patience! Et en plus, il garde le sourire! Je l'aime...


On commence à s'inquiéter car le temps file et nos échéanciers sont à nouveau reportés. On avait planifié être aux Bermudes à cette date, après avoir longer la côte est américaine jusqu'au en Caroline du Sud. En quittant d'ici, on doit se résigner à laisser tomber ce trajet et prendre la mer directement de St-Augustine pour les Bermudes. Une distance plus longue à faire d'un trait: 880 NM (1584 km). Ce qui veut dire environ 7 jours en ligne. Nous avions fait 660 NM lors de notre première traversée Beaufort-Spanish Wells, Bahamas. Mais on a tellement hâte de se remettre à la barre et de poursuivre notre voyage, que ce 7 jours ne nous effraie pas. On le voit même de façon très positive. Nous sommes prêt à relever ce challenge! Nous sommes mieux expérimenté, on maîtrise mieux les outils de navigation, nous allons mieux gérer notre mal de mer et notre alimentation, et les fenêtres météo des prochaines semaines n'annoncent rien d'inquiétant. On sera guidé à distance par un nouveau collaborateur: Philippe Candelier. Philippe était un des profs de navigation que j'ai eu avec l'Escadrille Marine. Il est beaucoup mieux expérimenté que nous (navigation au large de la Bretagne, sa terre natale) mais surtout, il est ferré en informatique, outils technologiques, météo, etc. Il navigue aussi sur le Lac Champlain avec Nathalie sa conjointe, sur Fulub, et nous avons eu de belles mais trop courtes rencontres auparavant. Nous avons gardé contact et il a généreusement accepté mon invitation à participer à notre aventure à distance. Je le remercie sincèrement pour son rôle de coach autant que son rôle de routeur!  

Ce temps d'attente nous alloue du temps précieux pour l'entretien du bateau, mais apporte aussi du temps pour penser. Et me force à vivre mon deuil... Je vis difficilement la perte de mon fils et je comprends que je dois laisser beaucoup de place à l'expression de mes sentiments, alors je pleure beaucoup! Heureusement je suis toujours bien entourée et supportée par mon amoureux et par mes proches (une chance que nous avons wifi :-))). 

Alors il ne nous reste qu'à se remettre à l'eau! C'est une question de quelques jours. On garde le moral, malgré notre écœurement de la chaleur intense, des moustiques, de la saleté du chantier maritime, de l'odeur épouvantable de l'usine d'épuration des eaux et des écuries municipales juste à côté... On profite de la piscine municipale en face pour quelques longueurs en fin de chaque journée, et je continue à faire de bons petits plats. Il faut continuer à se gâter quand même!

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