lundi 20 février 2017

Exumas (suite)


12 Février

Nous avons passé 3 jours à Warderick car le temps ne se prêtait pas à la navigation. Nous étions venus en décembre 2014 avec le voilier loué et nous nous étions promis d’y revenir. Il y a quelques sentiers sur l’ile pour explorer ce parc national, et en haut de la colline qui se nomme Bou-Bou Hill, les navigateurs laissent une trace de leur passage. Nous sommes invités à laisser un morceau de bois avec le nom de notre bateau. J’avais prévu le coup et j’avais acheté quelques couleurs et des pinceaux ainsi qu’un restant de planche. Je me suis amusée à bricoler notre bout de bois et nous avons, à notre tour, comme bien des navigateurs depuis plusieurs années, laissé notre trace. Je ne sais pas ce qui adviendra de mon « œuvre d’art » mais c’était significatif pour nous.




Nous avons passé par Bell Island et avons pris un morring à Cambridge Cay (trop étroit pour ancrer). Malgré que mon capitaine n’ait pas aimé notre passage dans le cut (il y avait beaucoup de courants à la rencontre de la mer profonde et du banc peu profond), l’endroit était magique. L’endroit est calme et bien protégé, entouré de petites iles désertes avec leurs plages et une végétation luxuriante.  Nous avons marché sur une plage, découvert les grottes de Rocca Dundas, plongé parmi d’énormes poissons (au grand désespoir de mon homme car nous ne pouvions pas pêcher étant dans le parc protégé!). Ce fût une très belle découverte.

Le lendemain, nous avions rv avec nos amis Jean-Denis et Louise de Néméa, plus au sud, à Black Point. C’était très agréable de les revoir, puisqu’on s’était laissé le 18 décembre à Spanish Wells, avant mon séjour à Montréal.  J’avais des petits problèmes avec ma tablette ainsi que mes transmissions par HF. Jean-Denis nous a tout arrangé ça! C’est un expert et il est très généreux de son temps. Merci encore cher JD!

Nous sommes revenus sur nos pas à Staniel Cay et y avons passé 4 jours. Plusieurs québécois étaient présents et nous avons fait un peu de social, dont avec Out and About et Xalia. J’ai découvert la fameuse grotte Thunderball qui est impressionnante. Stéphane a fait ses plus grosses pèches de langoustes, nous avons pu faire un bon approvisionnement de fruits et légumes, bref ce fût un arrêt agréable et productif.




20 Février


Nous avons poursuivi vers le sud et sommes revenus à Black Point. Nous avons retrouvé nos amis Lucie et Sylvain de Voil’Actée et avons partagé un bon souper. Nous avions beaucoup de choses à se raconter car ils ont aussi vécu de mauvaises aventures avec leur voilier. On apprend toujours des autres navigateurs. C’est agréable et souvent enrichissant de discuter avec d’autres qui ont aussi plus d’expérience que nous ou des histoires différentes à raconter. Ce soir, ce sera un autre Happy Hour avec eux et Xalia. On travaille dur sur le bateau, mais on se la coule douce aussi! Pêche, soleil, rencontres, on en profites. Pendant ce temps, je pense à mes filles qui ont de la difficulté avec la perte de leur frère... J'aimerais tellement être prêt d'elles pour les consoler...Je vis dans les émotions extrêmes de grands bonheurs et grandes tristesses... Mes filles, je vous sais fortes! Et vive l'internet pour continuer à se parler et à se voir en direct! Je vous aime tant xxx    


lundi 13 février 2017

Retour en navigation 3 Février

(Photos à venir...)

3 Février

Après quelques jours de préparations du bateau, d’approvisionnement de toutes sortes, de paperasse réglée avec l’Immigration Bahamienne pour l’extension notre séjour, du règlement de la facture du chantier maritime (+ de $10k US!!!) et nos assurances (qui en payent que les 2/3!) , nous avons pu finalement quitter le quai le 3 février. Notre interruption de l’aventure aura duré 3 mois, jour pour jour.

Nous étions tous les deux nerveux de reprendre la mer. Nous avions perdu nos repères, nos réflexes de navigateurs et notre routine sur le bateau. Nous appréhendions la tenue du nouveau safran. Nous avions aussi une hantise de repasser dans le fameux canal étroit, où nous avions échoué, brisé notre safran, appris la terrible mauvaise nouvelle, vu d’autres voiliers s’échoués ensuite au même endroit… Depuis notre arrivée dans cette île, chaque jour je passais devant ce canal maudit, et chaque fois, je le regardais et j’appréhendais le moment où nous aurions à passer par là à nouveau.
Alors c’est avec une certaine crainte que nous avons largué les amarres et avons repris notre chemin vers la mer. En approchant du canal, j’étais terrorisée. Les émotions m’ont envahi soudainement et je me suis mise à pleurer, pleurer, pleurer… En quittant Spanish Wells, j’avais le sentiment de laisser derrière mois une partie de mon fils. C’est comme si j’avais gardé mon souffle pendant ces trois derniers mois, que j’avais mis ma douleur sur « pause ». Je me permettais de prendre du bon temps et de vivre ma peine que par très petites bouchées, mais cette journée-là, assis sur le pont, incapable d’assister mon capitaine pour la navigation, j’ai pleuré toutes les larmes de mon corps. Je crois que je laissais mon fils partir…

Nous avons mis les voiles et heureusement, le safran fonctionnait très bien. Nous avons ancré tout près, à Royal Island. Pour une première journée en mer, nous n’étions pas trop ambitieux. C’était l’endroit exact où nous avions jeté l’ancre 3 mois auparavant, après notre longue traversée depuis la Caroline du Nord.

Dès le lendemain, nous avons fait deux longues journées de voile jusqu’à Rose Island près de Nassau, et ensuite jusqu’à Highborne, aux Exumas. Les réflexes revenaient graduellement. Par contre, les inquiétudes concernant l’état du bateau aussi. Une grande voile qui sort mal du mat enrôleur, sans doute par l’accumulation du sel pendant la traversée. Le moteur qui se met à vibrer sous nos pieds, pour se rendre contre que c’était juste des herbes marines qui étaient prises dans l’hélice. La manette du guindeau qui a lâchée par la corrosion, heureusement que nous en avions une autre de rechange.  La rouille qui apparait sur le strainless, le sel qui s’accumule partout. Et c’est sans compter la saleté accumulée pendant ces 3 mois, autant à l’intérieur que partout à l’extérieur. Tout ce temps au quai, au milieu d’un chantier maritime, où on sable les coques des bateaux toute la journée, sur les quais voisins… Imaginez mon capitaine avoir tant de peine de voir son bateau en si mauvaise condition! Nous le mettrons à « sa » main, un petit bout chaque jour. Lui dehors, et moi en charge de l’intérieur.
A notre arrivée à l’ancrage à Highborne, nous avons été accueillis chaleureusement par la petite famille de Xalia. Nous les avions rencontrés à Spanish Wells et avions partagé de beaux moments et quelques soupers ensemble.  Patricia et Patrick, avec leurs enfants Xavier 13 ans et Mélia 9 ans. Comme nous, ils ont tout vendu et vivent sur leur bateau, sans date de retour. Je les trouve très courageux de faire l’école « à la maison », en plus de gérer un chat et un petit chiot sur leur magnifique catamaran. Les hommes ont apprécié chasser le poisson au spear ensemble, et de taquiner leurs femmes sur leurs attentes concernant l’entretien et le ménage de « LEUR » bateau!
L’arrivée à Highborne signifiait beaucoup pour Stéphane. Nous étions enfin rendus aux Exumas, avec son propre voilier. Mon capitaine était venu à quelques reprises auparavant. J’y suis venu en décembre 2014 avec lui sur un voilier loué. Mais de naviguer jusqu’ici avec son voilier, il en rêvait depuis 30 ans! Nous avons souligné l’événement!



Nous avons poursuivi notre route vers le Sud. Un saut à Normand Cay, un autre à Shroud Cay. La petite rivière à Shroud qu’on fait en dinghy et qui nous amène de l’autre côté de l’île au Nord vaut la peine. C’est magnifique! La mer turquoise, de toutes les teintes de turquoise et de bleu, si transparente, partout au Bahamas, est hallucinante. On se croirait dans une piscine, mais qui s’allonge à l’infini. Nous avons plongé en apnée à quelques reprises sur des têtes de corail. Lorsque Stéphane apporte son harpon pour chasser (sauf dans la zone du parc national qui est protégée, évidement!), je l’accompagne, juste pour le plaisir d’observer les poissons. Il n’a pas eu beaucoup de succès jusqu’à date, mais quand même : 2 langoustes et 3 poissons! J’ai aussi fait mes longueurs autour du bateau et la nage me fait le plus grand bien. Heureusement tous les deux on aime l’eau. Et tous les deux nous sommes du genre plus actif et on aime bouger.  Il est très agréable d’être sur le même rythme et de partager nos activités ensemble.



11 Février

Nous sommes ancrés à Warderick Wells depuis 2 jours. Il annonçait un front et des vents de 20-25kts. Nous sommes bien protégés du vent E et NE. On en profite pour faire plein de petits projets qui doivent être faits sur le bateau. Stéphane fait son entretien préventif sur les appareils et le moteur, et frotte encore et toujours. C’est un éternel recommencement… Il prépare les routes de navigation, et les prochaines destinations. Il se charge aussi de la consommation d’énergie (électricité, diesel, gaz) dont on doit continuellement surveiller, et la production d’eau. Notre déssalinateur fonctionne à merveille! Hourra! Je peux consommer de l’eau sans problème, et prendre ma douche 2x par jour si je veux! On ne l’avait pas utilisé dans les eaux de la Cheasapeake, et il n’était pas question de faire des tests et de se donner un stress supplémentaire pendant la traversée. C’est pourquoi nous avions hâte de tester ce nouvel ajout au bateau. Ça produit 7-8 gal/heure et en plus, cette eau est excellente à boire. Merci mon homme pour toutes ces heures passées à l’installation! 

Pour ma part, j’ai pris la responsabilité de la gestion des provisions, de la cuisine, du lavage (à la main!), du nettoyage à l’intérieur, des communications HF. Je tiens le journal de bord à jour et je planifie les routes en plan B sur ma tablette. Aux EU, je tenais un registre strict sur un fichier excel. de nos réserves (ajouts et retraits) et l’endroit exact où c’était disposé dans nos coffres. Déjà, j’ai un peu perdu le contrôle car ça demande une discipline énorme. Comme je n’ai pas un énorme garde-manger, avec vue sur tout l’inventaire (!), je dois vider, déplacer et organiser les coffres continuellement. Chercher un pot de mayo est parfois ardu, lorsqu’il se trouve sous mon lit! Mais je fais des miracles dans la gestion des produits frais. On mange varié, tout fait à la main, avec produits santé, et on ne gaspille rien. Après plus d’une semaine en mer, j’ai encore des fruits et légumes frais, des congelés, ainsi que de la viande et poissons congelés. Nous sommes gâtés d’avoir un grand frigo et un congélateur séparé. J’ai fait mes premiers pains maisons, yes! Je suis bien fière de moi! Je teste différents formats, et farine blanchie vs blé entier. Ces derniers sont bien réussis et ça nous donnera une autonomie plus longue.

La vie à bord s’organise tranquillement, et j’aime cette nouvelle vie. On n’a jamais de temps morts, il y a toujours quelque chose à faire. On tente d’équilibrer le temps dédié aux tâches et le temps dédié au plaisir. Je parle maintenant comme tous les retraités que j’ai rencontrés avant : mais comment on faisait avant pour travailler, s’occuper des enfants, d’une maison, des courses ??? 


Ce matin, mon fils me manque beaucoup. Je pense à lui très souvent, jour et nuit. Mais ce matin, particulièrement, je souhaiterais tellement lui parler, le prendre dans mes bras, lui dire à quel point je l’aime. Je m’ennuie de ses niaiseries, de ses grimaces, de ses taquineries. De son arrogance tellement il était sûr de lui, de ses arguments et son air obstiné lorsqu’il pensait avoir toujours raison… Je m’ennuie d‘entendre sa voix. Est-ce que je vais me rappeler de sa voix? J’ai peur que ça s’efface avec le temps… J’aurais tellement aimé qu’il voit les Bahamas avec nous, tel que planifié en début janvier. Il manque quelque chose et j’en suis triste pour lui. Nous aurions vraiment passé de beaux moments ensemble sur le voilier qu’il aimait bien.  Je pense au grand chagrin que son départ a fait à son père, ses sœurs, sa belle Maude, ses cousins-cousines, ses amis qui l’aimaient tant. Il laisse un grand, grand vide. C’était tout un homme mon petit! Il avait de l’envergure et toute une personnalité! Je l’aimais tellement, je l’aimerai toujours…