dimanche 11 décembre 2016

Repos à Spanish Wells

Nous sommes restés un peu plus de 3 semaines à Montréal. Le temps d'encaisser le choc et de, tranquillement, commencer à réaliser que la perte de mon fils était bien réelle. Nous n'avons plus de maison, ni de voiture. Nous avons habité chez frère qui demeure juste en face de chez ma mère. Chaque matin, nous traversions chez elle et elle nous préparait le déjeuner. De s'occuper de moi était pour elle sa façon de consoler sa peine de grand-maman. Et moi de me faire dorloter par ma mère, était d'un réconfort inestimable. Elle nous a aussi prêté sa voiture pour tout le temps de notre séjour. Merci pour tout chère Maman xxx

Nous avons été reçu chaque soir pendant 3 semaines! Des soupers de famille remplis d'amour, de paix et de câlins. Des soupers avec des amis, rempli de réconfort, d'écoute et d'encouragements. J'ai beaucoup de gratitude envers mes proches pour ces bons moments, ces bons mots, ces gestes réconfortants. Malgré toute cette générosité, je dois maintenant apprendre à vivre sans lui, pour le reste de ma vie. Je comprends que j'ai un long chemin difficile à faire, et que je suis seule à le traverser. Ma douleur est si grande que je la compare à un éléphant. Et qu'un éléphant se mange une bouchée à la fois. Je choisi de vivre ma peine par petites bouchées, une à la fois, car de voir l'éléphant, c'est trop gros pour moi...

Pendant le temps que nous étions à Montréal, rien n'a été fait pour notre safran. Les discussions entre Stéphane, le propriétaire du chantier maritime à Spanish Wells, la compagnie d'assurance et l'évaluateur de sinistre tournaient en rond, Mon capitaine aussi tournait en rond... Il nous fallait revenir au bateau. D'abord pour faire progresser les choses, ensuite pour occuper mon homme, et finalement pour retrouver notre chez nous! Notre bateau est maintenant notre maison et c'est chez nous que nous voulions être. Nous avions besoin de retrouver notre intimité, et notre tranquillité. Nous avons repris l'avion et sommes arrivés, ensemble, le 27 novembre. Nous avons dû faire le même parcours que 3 semaines auparavant et je revivais les mêmes émotions que j'avais vécu pendant ce chemin inverse, suite à la nouvelle. Ce fût très difficile.

Nous revenions à l'endroit où on voulait être, mais avec des sentiments partagés. Mon deuil commençait et j'associais le bateau à une mauvaise nouvelle. De plus, je regardais du haut des airs les hauts fonds et bancs de sable dans la magnifique mer turquoise des Bahamas et je voyais seulement les risques de s'échouer... Je réalisais que nous avions vécu un choc et qu'il fallait le digérer... Malgré tout, ça faisait du bien de retrouver notre Ambition, et certains points de repères.

Pour le safran, nous devions évaluer 3 options différentes. D'abord, que Beneteau nous envoie un safran neuf déjà usiné, mais que nous devions faire ajuster pour notre modèle de bateau. C'était compliqué et risqué, par conséquent, cette option fût écartée la première. Ensuite, de faire réparer le safran actuel par un gars qui se nomme Chris, un américain qui a une maison sur l’île et qui construit des bateaux. Il aurait été en mesure de réparer mais sans garantie. Notre plan de navigation pour les prochaines années étant trop exigeant, nous avons opté pour une solution durable et plus sûre. Avec l'accord de l'évaluateur en sinistre, nous avons donc décidé d'envoyer le modèle original à Fossfoam en Floride, et de faire fabriquer un safran neuf, sur mesure. Les procédures administratives et de douanes dans un cas comme le nôtre sont longues et fastidieuses. Notre safran est donc parti près d'une semaine après notre arrivée, a pris plus d'une semaine à se rendre chez Fossfoam, ça prend en moyenne 2 semaines à fabriquer, et on doit compter une autre semaine pour revenir. En ajoutant la période des Fêtes dans tout ça, on prévoit avoir notre bateau près à naviguer seulement en janvier, et encore!

Notre voilier est présentement au quai. Ils n'ont pas l'équipement nécessaire pour le sortir de l'eau. Une inspection sous marine a été effectuée et ne montre aucun autre dommage sous la coque, heureusement. Nous sommes donc dans un chantier maritime, avec des travaux bruyants qui se font autour de nous, avec le trafic du port, la rue qui est juste devant nous, sans eau courante. Bref ce n'est pas l'endroit idéal pour rester. Chris, l'américain, dès qu'il a appris que nous devions attendre plus d'un mois dans ces conditions, nous a spontanément offert sa maison! Pour une somme dérisoire, nous pouvions bénéficier de sa belle maison, rustique mais très confortable, car lui quittait l'île pour quelques mois dans les jours qui suivaient. Sa maison est située sur l'île voisine, Russell Island reliée par un petit pont, avec une vue imprenable sur la mer, avec un studio séparé pour accueillir des invités, et voisins absents. Un havre de paix idéal pour vivre mon deuil, se refaire des forces, et bénéficier de repos. Nous avons loué une voiturette de golf pour se déplacer et tout est parfait!

La vie me surprendra toujours. Des pertes inattendues à des moments de grâce, de l'amour immense pour mes enfants à des inquiétudes pour eux, des joies intenses entre amis à des gestes de générosité par les gens qui m'entourent... Je cite une de mes phrases préférées du film Forest Gump: "la vie est comme une boîte de chocolat, on ne sait jamais sur quoi on va tomber!"  

Ma fille aînée venait nous rejoindre 2 jours après notre arrivée. Martine vivait difficilement la perte de son frère et nous avions besoin de ce temps ensemble. J'ai pensé qu'il était moins difficile de panser ses blessures dans un endroit paradisiaque, que dans la grisaille de Décembre à Montréal... Nous avons pris soin l'une de l'autre. Nous avons pleuré notre beau Julien, mais nous avons aussi passé de très beaux moments. Stéphane a été d'une grande générosité avec elle et s'est bien occupé à lui changer les idées. La maison que nous habitons était parfaite pour cette rencontre. Il a fait beau et chaud, nous en avons bien profité. Voici une vidéo que j'ai fait pour elle, qui représente un sommaire de ses "vacances-convalescence" avec nous. Avec son accord, je me permets de la partager avec vous. La vie continue et on se doit de la célébrer...

Martine aux Bahamas


  

mardi 15 novembre 2016

Traversée Beaufort-Éleuthera

Interruption temporaire du blogue…

Pour ceux qui ne sont pas au courant, j’aimerais vous informer qu’un événement tragique est arrivé dans ma vie, c’est la raison pour laquelle je n’ai pas donné de nouvelles depuis le 29 Octobre. En arrivant aux Bahamas, après notre traversée de 4 jours et 4 nuits en mer, j’ai appris la mort soudaine de mon fils adoré, Julien, 22 ans… Un retour urgent à Montréal s’est effectué sur le champs. Depuis, le temps m’a manqué et surtout, cette grande perte inexplicable, ont fait que j’ai mis de côté l’écriture du blogue. Vous comprendrez cet interruption temporaire…

Je tiens à poursuivre la rédaction de mes récits puisque plusieurs personnes m’encouragent à le faire. Je n’aurai certainement pas la même insouciance, ni le même regard sur ce voyage. En même temps, je compte vivre mon deuil doucement, par petites bouchées, et discrètement. Je ne souhaite pas vous imposer ma peine et mes états d’âme donc je parlerai de mon fils que de façon parcimonieuse et comme ça viendra.

Pendant la traversée, j’avais entamé le récit de cette expérience. Je vous présente, a post priori, notre vécu durant ces 4 jours :

30 Octobre








Matin du départ à Beaufort






Nous sommes arrivés à Beaufort hier midi et avons juste eu le temps de faire les dernières provisions en sol américain. J’avais beaucoup aimé cette petite ville lorsque j’étais venu avec le voilier de Navtour en juin dernier. J’étais ravie de retrouver mes repères et de partager cette découverte avec mon homme. Toutefois, nous n’avons pas eu le temps d’en profiter puisque notre fenêtre météo pour prendre la mer est déjà aujourd’hui. Nous pensions avoir plusieurs jours devant nous, lorsque Benoit, notre routeur, nous annonce que non seulement la fenêtre est excellente, mais que c’est plus optimal si on part ce matin pour arriver à Spanish Weil, Éleuthéra, en matinée. Ça nous donne une marge de manœuvre si jamais la route est plus lente que le 6kts/h planifié. Nous sommes enthousiastes de partir ce matin, mais je dois avouer, nous n’étions pas prêts à 100%. Nous aurions souhaité relire nos notes de cours, préparer nos routes nous-même, faire notre plan de navigation pour ensuite le valider avec Benoit. Nous avons manqué de temps et de discipline pour le faire avant. C’est donc avec résignation qu’on suit les instructions de notre routeur, avec les deux seuls way points à mettre au GPS et l’heure de départ.

J’ai eu le temps de préparer quelques repas afin de ne pas cuisiner pendant la navigation. Stéphane a fait son inspection partout sur le bateau, y compris le moteur, pour s’assurer que tout était parfaitement fonctionnel, et surtout pour s’assurer qu’on n’a pas de fuite d’eau, avant de prendre la mer.  Nous étions étonnement calmes face à ce qui s’en venait.

Nous avons levé l’ancre à 10h30. La sortie de l’Innlet à Beaufort n’était pas évidente. Nous étions un beau dimanche avec une température estivale. Il y avait beaucoup de petits bateaux de plaisance en train de pêcher. Le courant, les barges et les navires de marine marchande en plus, rendait la sortie corsée. Aussitôt sortis, la mer était vraiment agitée. Des vagues courtes, qui se croisent, rendait la navigation difficile et surtout, me donnait déjà mal au cœur… oh boy, pas déjà !

Nous nous attendions à un vent régulier et confortable de l’ouest, avec une mer calme. Au lieu de ça, nous avons eu un vent du Sud-Ouest, donc une navigation au près, avec des vagues de 5-6 pieds, qui arrivaient de travers. Des vagues courtes, que s’entrechoquaient et qui nous faisaient brasser. J’ai vomi 2 fois dans la journée ! Les médicaments que j’ai fait venir d’Europe, les Stugeron, n’ont de toute évidence, pas fait effet à temps. Je devrai les prendre d’avance et de façon plus stricte la prochaine fois. Stéphane a eu un mal de tête qui a été aussi difficile pour lui. La première journée de notre première vraie traversée n’a pas été la journée qu’on rêvait depuis 2 ans disons !

PS : la traversée NY-Cape May ne doit pas compter finalement puisque nous étions qu’à 5 milles des côtes, sans trop de vagues, ni de vent...

Les vagues rendent chaque déplacement dans le bateau assez difficile. Je me cogne partout car je perds l’équilibre. Je dois m’agripper à tout. Quand, pour aller aux toilettes, il faut se tenir fermement d’une main et baisser les culottes de l’autre tout en visant juste, c’est un exploit en soi. Ça prend toute mon énergie à me tenir. J’ai l’impression d’être dans des montagnes russes qui n’arrêtent jamais.
Comme je me sentais nauséeuse, il était impensable de lire ou d’écrire, et encore moins de fouiller dans le frigo. Heureusement Stéphane était plus fonctionnel et nous apportait à manger.

La première nuit fut tout de même magique. C’était plus calme et je me sentais mieux. Le vent du sud-ouest a tourné du nord-ouest, ensuite du nord, pour nous arriver du nord-est. La mer s’est momentanément aplatie. Nous avions donc beaucoup moins de vagues. Par contre, le courant du Gulf Stream nous ralentissait et on a dû partir le moteur pour aider les voiles. On a croisé quelques orages mais rien de sérieux. Notre inquiétude était pour le refoulement des toilettes. Malgré le flush en mer, les restants du réservoir remontait dans la toilette. Nous avons du pomper à chaque 15-20 min pour une partie de la nuit avant que ça se règle. 


De la seconde journée à la cinquième, nous avons gardé le même cap et la même allure. Voilé partiellement (1 ris le jour et 2 ris la nuit) ou seulement avec le génois, le vent était à 20kts avec rafales a 25-30kts. Nous étions babord amure. Comme nous étions au portant (vent qui pousse sur le côté arrière), heureusement le bateau ne gitait pas trop. Nous avons apprivoisé cette mer rapidement. Nous avions confiance au bateau, ainsi qu’à notre pilote automatique. Ambition 1 réagissait bien aux vagues, gardait son cap, et on sentait un bon équilibre dans son élan. Il surfait sur les vagues, et on atteignait même des pics à plus de 9kts/h. Je n’avais pas trop peur, j’étais simplement incommodée par le mouvement, les bruits et la force du vent. J’étais incapable de dormir 2 heures d’affilées donc les quarts de nuit étaient courts. J’aime tout de même la navigation de nuit. Le ciel était dégagé pour le reste de la traversée et toujours rempli d’étoiles. On voit du plancton phosphorescent dans les remous que le bateau fait en avançant et c’est spectaculaire. On a croisé à peine quelques cargos, et de loin en plus. Donc rien de particulier sur notre passage. Mais le vent ! Si puissant, bruyant, qui peut être inquiétant parfois, mais qui est aussi notre meilleur ami.  En mettant les panneaux du côté d’où vient le vent, nous étions protégés. C’était plus confortable et plus chaud. Nous avons eu des conditions particulièrement chaudes : en manches courtes le jour et à peine un chandail long ou un coupe-vent la nuit. Il est quand même difficile de garder l’œil constamment ouvert lorsqu’on est seul la nuit. Nous n’avons pas besoin de barrer, on peut donc s’installer confortablement en s’allongeant dans le cockpit. On a seulement à regarder les instruments à toutes les 5-10 min pour s’assurer que la girouette indique que le vent est toujours dans la bonne direction, que la vitesse et le cap sont constants, et que le radar n’indique pas d’obstacles en vue. On veille sur l’horizon pour s’assurer qu’on ne voit pas de bateau illuminé au loin. On tend l’oreille pour s’assurer que les voiles ne faissaillent pas.  Mais à part ça, c’est l’inaction qui nous fait fermer les yeux. Autant j’ai de la difficulté à dormir lorsque je suis dans le lit car tout bouge, autant il est difficile de se tenir réveillée lorsque je suis seule dans le cockpit. Le coucher du soleil arrive vers 18h30 et le lever vers 7h. Mais c’est surprenant comment les nuits passent vite. On grignote, on boit beaucoup d’eau, et on tente de dormir à tour de rôle. 

Stéphane avait la hantise que quelque chose brise pendant la navigation. Comme le bateau est sollicité à son maximum en mer, sur une longue période, tout peut briser. On doit s’attendre à des bris et s’y préparer. C’est stressant pour le capitaine mais ça fait partie de l’aventure.

Mon capitaine a été moins malade que moi et a pu, heureusement, bien manger et mieux dormir. Malgré ça, il a trouvé l'expérience pas aussi joyeuse qu'il l'aurait voulu. J’étais vraiment déçue de ne pas être aussi fonctionnelle que lui sur le bateau. J’avais perdu mon énergie, et les nausées me rendaient la vie dure.  J’ai commencé à me sentir mieux seulement à la dernière nuit et à l’approche des Bahamas…On m'a dit plus tard que pour une traversée de 4 jours ou de 8-10 jours, je commencerai toujours à me sentir mieux après la 4e journée... Faudrait que je m'y fasse...

Nous avons parcouru un total de 590MN : jour 1 = 120MN, jour 2 = 150 MN, jour 3 = 170 MN, jour 4 = 150 MN.  Nous avons trouvé cela exigeant, malgré que les conditions étaient parfaites pour cette première traversée. Nous sommes donc inquiets de savoir que ça peut être nettement plus difficile… La vue de la terre ne m’a pas fait l’effet qu’on voit dans les films. Malgré tout, de voir la mer passer du bleu foncé profond au bleu turquoise clair, c’est enivrant car on sait que nous sommes arrivés dans les pays chauds !

Nous avions prévu arriver au port d’entrée de Spanish Weil. Stéphane a plutôt opté pour une petite île déserte, à 6 MN de là, Royal Island. On se reposera et nous irons faire les papiers de douanes le lendemain. Nous sommes entrés dans une petite baie bien protégée, personnes aux alentours. Aussitôt l’ancre jetée, on s’est lancé à l’eau, nus, pour savourer cet instant magique. L’eau était fraîche mais quand même confortable. Stéphane a rapidement mis son masque et ses palmes pour une inspection de la coque et du safran. Il régnait à bord une allégresse, une fierté d’être arrivés, une légère euphorie de ne plus, enfin, se faire brasser. Bref nous étions heureux d’être arrivés et de commencer enfin le vrai voyage. Ce fût de très courte durée…

A peine une heure après avoir jeté l’ancre, j’envoyais un Airmail par la radio HF à Benoit ainsi qu’à ma mère, leur annonçant notre arrivée, et les rassurant que tout s’était bien passé, et que surtout, les efforts pour y arriver en valaient la peine !  Dans mon envoi, j’ai aussi reçu un message, le genre de message que tout le monde redoute : il fallait que j’appelle le plus rapidement possible à la maison, quelque chose de grave était arrivé ! Mes filles me signifiaient, entre les lignes, que leur frère Julien était en cause. Un coup de bâton de baseball arrivant en pleine figure… Les entrailles qui veulent exploser… Le cœur qui arrête de battre… Je suis incapable de reprendre les communications par le HF, la station ne transmet plus, c’est une torture…

On décide donc de se déplacer à Spanish Weil pour avoir accès à du wi-fi. Je dois impérativement parler à mes filles (Martine 29 ans ou Marianne 26 ans) ou à leur père. En entrant dans l’étroit chenal qui mène au port, les bouées sont remplacées par 2 poteaux blancs dont on ne distingue pas vraiment la signification. L’ouragan Mattews ayant emporté les bouées, nous devions nous fier à des signes non familiers. Malchance, inexpérience, émotions et fatigue, nous avons échoué. Incapable de se sortir de là.

La marina nous envoie un homme avec son bateau tenter de nous tirer d’affaire, sans succès. Je suis donc prise sur un bateau échoué, et on m’annonce que je dois attendre la marée haute en soirée avant de pouvoir parler à Montréal. J’implore de pouvoir faire un appel et l’homme me donne gentiment son cellulaire pour que j’appelle. Le pire était bien arrivé. Mon fils, a été trouvé mort dans son lit, par son père, la veille. Ma fille pleure. Je ne comprends pas. On ne sait pas comment il est mort, mais ce n’est ni un suicide, ni la drogue, ni un assaut ou mort violente. Mort naturelle, même si ce n’est absolument pas naturel de mourir à 22 ans, lorsqu’on est en pleine forme, jouissant de la vie, avec des projets à profusion devant soi…  

Stéphane doit aller aux bureaux des douanes, et je dois demeurer seule sur le bateau…Je ne réalise pas ce qui se passe. J’ai beau me répéter que mon petit homme est mort, je suis incapable de réagir. Je prends une douche rapide et fait un petit bagage car je veux aller prendre l’avion sur le champ. Stéphane revient enfin et me signifie que j’ai aucune chance de quitter l’île aujourd’hui. Tout est prévu pour mon transport vers Montréal le lendemain.  J’ai pu quand même aller à terre, et parler à mes proches qui avaient appris la terrible nouvelle avant moi. 

On doit sortir le bateau de sa fâcheuse position. Plus tard, un autre gars vient nous aider. Avec son bateau, il nous tire beaucoup trop fort, et le safran se brise complètement. Le safran s’est détaché de la coque et je le vois flotter à la dérive. C’est irréel. Je me crois dans un mauvais film, ou un cauchemar. Je dois aider Stéphane et je fonctionne comme au ralenti. On réussit à se faire remorquer jusqu’à un endroit sécuritaire pour la nuit. Le gars nous aide à installer une ancre en avant et une autre à l’arrière, afin de fixer le bateau pour ne pas qu’il pivote car c’est trop étroit. Il est 11h du soir, je ne cesse de me répéter que mon fils est mort, sans trop y croire, sans comprendre l’ampleur de la situation. Je ne dormirai pas et je me blottirai dans les bras de mon homme, car je tremble de tout mon corps. Les gens de cette petite île nous seront d'un bon support car la mauvaise nouvelle à rapidement fait le tour...

4 Novembre

Ce fût une journée pénible et je ne sais pas comment j’ai pu passer au travers. A 5h30, je prends un water-taxi qui m’amène sur une île voisine. Je prends un taxi qui m’amène à un aéroport. Je prends un avion de brousse qui m’amène à Nassau. Je prends un vol jusqu’à Toronto et ensuite arrivée prévue à Montréal pour 18h. J’ai eu 4h à attendre à Nassau. Enfin j’avais du wifi. J’ai pu communiquer par Facetime ou Messenger avec mes proches. Ma fille Marianne était à Vancouver attendant son avion pour une arrivée à Montréal à 17h.  Le père de mes enfants qui était inconsolable. Ma mère, mon père, ma grande amie, la copine de mon fils… Je pleure enfin toutes les larmes de mon corps. Un étranger qui me voit pleurer s’approche pour m’aider. En apprenant ce qui m’arrive, il me prend dans ses bras et pleure avec moi…

Stéphane devait trouver une solution pour réparer le bateau. Il était impossible de laisser Ambition 1 ancré à l’endroit où il était. On devait sécuriser le bateau et commencer les démarches pour faire remplacer le safran. Stéphane viendra me rejoindre à Montréal 2 jours plus tard. 

L’aventure du bateau était interrompue promptement, mais j’avais déjà rassuré mon capitaine, que nous allions revenir. Pour moi, je savais déjà que je devais poursuivre. Mon fils, qui nous trouvait tellement « hot » de faire ce que nous avions entrepris, serait déçu de savoir que j’abandonnais notre grand projet. J’ai la chance d’avoir une famille tissée serrée. Nous avons passé beaucoup de temps ensemble à se consoler. Le service funéraire a eu lieu le mercredi, 9 novembre. Une très longue journée mais je suis reconnaissante de tout le réconfort et le support que j’ai reçu. Nous avons célébré la vie de Julien, avec les nombreux jeunes : ses amis qui l’aimaient tant. 

Je serai de retour aux Bahamas prochainement, et je vous donnerai de mes nouvelles sous peu.

vendredi 28 octobre 2016

Miracle à Oriental!

28 Octobre

Nous étions inquiet de trouver une solution à notre guindeau. Stéphane avait passé une journée complète à Hampton pour trouver des pièces sans succès.Il avait du se résigner à commander un guindeau tout neuf et le faire livrer à Beaufort. Nous avons donc entrepris l'intracoastal sans guindeau. Les ancrages se sont très bien passé car le fond est vaseux et il n'y avait pas beaucoup de vent le soir venu. Le matin, il était en mesure de lever l'ancre à bras, et pour décrocher l'ancre du fond, je n'avais qu'à faire avancer juste un peu le bateau avec le moteur et ça allait. Nous avons parcouru une moyenne de 45 MN pendant 4 jours avant d'arriver à Oriental. C'est un petit village de pêcheurs vraiment sympatique, et nous avons même pu profiter du quai municipal gratuit.

Stéphane devait trouver une solution pour le guindeau et on a pensé que nous aurions peut-être un solution ici, avant de se rabattre pour des ressources à Beaufort. La communauté des navigateurs est incroyablement de service! Nous sommes témoin de l'entraide qui existe et on en revient pas. Le gars de la marina a trouvé un chum qui est venu chercher le moteur du guindeau, l'a examiné et tester dans son atelier, et est revenu nous le reporter en nous annonçant la mauvaise nouvelle: le moteur était vraiment fini. Le gars du magasin de pièces maritimes a passé plus d'une heure au téléphone pour trouver un moteur sans succès. Ensuite un gars qui passait par là, un autre navigateur, a aussi passé plus d'une heure avec Stéphane a chercher une solution, à faire aller tous ses contacts, sans succès. Nous étions plein de gratitudes pour cette attention et ce support. Le problème c'est que notre guindeau n'existe plus, la compagnie a été vendue et il est impossible de se procurer des pièces de rechange. Stéphane persistait car il souhaitait vraiment éviter de devoir changer le guindeau au complet. Non seulement c'est une autre dépense de $2000, mais ça ne "fit" pas dans les trous existants, ni avec le pouvoir électrique présentement installé. Ça veut dire beaucoup de travail en vue...

Notre ami Jean-Denis de Néméa, toujours serviable, s'est rendu dans un Marine Consignement. Une sorte de caverne d'Alibaba, remplis de vieilles affaires poussièrreuses, un genre de bazar complètement désorganisé, remplis de pièces de bateaux, d'accessoires donnés ou mis en consignation. Il a demandé, par tout hasard, s'il y avait un moteur de guindeau (sans nommer la marque). Et bien croyez le ou non, il en avait un seul, caché dernière un paquet de choses dispartes. C'était exactement celui que nous avions besoin! Un modèle 2004, mais qui n'avait jamais servi. Stéphane s'est empressé de le nettoyer, d'enlever la rouille accumulée, de l'installer, et sans y croire, il l'a démarré. Et bien ça fonctionne!!! Le petit Jésus des navigateurs était avec nous! Depuis hier, nous avons baptisé Jean-Denis notre ange gardien. Nous avons souligné cette trouvaille avec un bon souper préparé par Jean-Denis lui-même! Nous sommes vraiment chanceux!

Maintenant que le problème du guindeau est résolu, on peut envisager notre première grande traversée de Beaufort à Nassau. 6 jours de traversée en mer, juste tous les deux! Les papillons dans le ventre quand on y pense. Tous les deux ont a hâte, mais sommes aussi inquiet par l'inconnu. Le compte à rebours est commencé et on pourrait même partir dès lundi. Notre routeur, Benoit Villeneuve, nous confirme même que lundi serait une bonne fenêtre météo. Les préparatifs sont commencés. On demeure à Oriental encore aujourd'hui pour faire pleins de choses. Stéphane s'occupe de finaliser l'installation du moteur de guindeau et refaire les connections électriques, ainsi que d'autres travaux sur le bateau. Je fais tout le lavage (lits, vêtements, manteaux qui ont servis dans le temps froid mais qu'on espère ne plus s'en servir...). Je veux préparer des repas d'avance pour éviter le plus possible de cuisiner pendant la traversée. On se rendra à Beaufort demain, faire les dernières provisions, faire nos études météo, planifier notre route, établir un plan A, un plan B, un plan C, etc... Le vrai challenge s'en vient!

Encore des photos

Parfois ça peut être mouvementé en attente d'ouvrir un pont à bascule, dans le courant, le vent et les vagues. Lorsqu'on ancre le soir, on cherche les coins tranquilles. La nuit à River South dans la Pamlico Sound fût particulièrement calme. Le matin, au départ, l'eau était un miroir...Magique!


Photos d'Ambition 1

Voici de magnifiques photos prisent par nos amis de Néméa avec qui nous naviguons depuis plusieurs jours. Nous sommes dans l'intracoastal. Merci Louise et JD!










lundi 24 octobre 2016

Fin de la Cheasapeake et début de l'intracostal

24 Octobre

Nous avons pris presque 2 semaines pour descendre à partir de Anapolis, jusqu’au sud complètement de la baie de Cheasapeake. Chaque soir, nous avons dormi à l’ancre, dans des petits abris tranquilles, paysages bucoliques, la plupart du temps avec très peu de bateaux ancrés près de nous. Toutefois, comme je le disais, il faut prévoir chaque fois, de 1h à 2h pour se rendre dans une creek protégée et le même parcours le lendemain pour revenir dans la grande baie. 



Nous avons été très chanceux car la température était exceptionnellement belle et chaude pour cette période de l’année. On a même pu se baigner un peu. Nous pouvions prendre nos douches dehors, sur la plage arrière du voilier, avec nos réserves d’eau douce. On n’a pas encore eu l’occasion de faire fonctionner notre déssalinateur car on attend d’être en pleine mer mais nos réservoirs sont grands en masse. On peut facilement les remplir d’eau lorsqu’on va aux quais faire le plein de diesel. Nous n’avons jamais fait autant de moteur que depuis que nous sommes partis du Lac Champlain. Stéphane est déçu de ne pas faire autant de voile qu’il le souhaiterait. Sois qu’il n’y a pas assez de vent, soit qu’on l’a en pleine face, soit qu’on doit passer dans des endroits trop étroits. Bref on se rend compte que nous ne sommes plus en navigation de plaisance comme avant et de se laisser voguer au gré du vent… Nous avons une destination précise chaque jour et nous devons avancer en conséquence.
La vie à bord est toujours agréable. Je me surprends moi-même de m’adapter si facilement à cette nouvelle vie, à ce rythme plus lent. Sur un bateau, tout est plus long à faire que dans la vie normale. C’est pourquoi on se surprend à se dire que chaque jour passe trop vite car on n’a pas eu le temps de faire tout ce qu’on souhaitait faire. Moi qui a toujours été une hyperactive, et capable d’accomplir un tas de choses dans une journée !  Nous vivons vraiment comme tous les retraités que je connais et, faut que j’avoue, que je jugeais un peu : pas d’activités professionnelles mais toujours dans le jus ! Je ne pensais jamais être rendu là…

Nous avons établi notre routine et chacun respecte les besoins de l’autre. Stéphane s’applique toujours autant à maintenir le bateau propre. Par contre, il se résigne qu’en eau salée, il n’y arrivera pas et qu’il devra baisser ses critères… Je cuisine et j’aime ça. Je n’ai jamais fait autant de gâteaux (santé quand même) que depuis que je vis sur le bateau ! Mon capitaine a la dent sucrée et il n’apprécie pas nécessairement les desserts américains. Il me reste à faire du pain maintenant. Comme le pain est accessible partout, je ne me suis pas investi dans cette nouveauté encore mais je me promets de faire mon pain un jour.

Nous avons fait beaucoup de lectures sur des ouvrages de navigation ou des guides de référence que nous souhaitions faire avant de partir mais pas eu la chance encore. On étudie, on apprend chaque jour des nouvelles choses, on échange sur nos lectures. On expérimente notre radio HF aussi. La plupart des matins, on écoute le Réseau du Capitaine et à l’occasion on échange avec les navigateurs. Je suis en mesure d’aller chercher mes fichiers météo, d’envoyer des courriels, et de faire mes rapports de position. Tranquillement la maitrise des technologies s’installe, mais on est encore loin du but. On se sent parfois tellement démunis, mais des fois on se trouve pas mal hot d’être rendus où nous sommes.

Comme on se couche tôt le soir, on se lève à l’aube. Nos journées sont toujours à l’extérieur. Le grand air nous donne faim et on n’arrête pas de manger. On mange très bien, souvent, mais pas de grandes quantités à la fois. Je vais jogger sur terre au moins 2x/semaine. Je fais des étirements, et même de la danse, sur le bateau à l’occasion. Toutefois, j’avoue que je bouge pas mal moins qu’avant et j’ai peur de prendre du poids… mais ceci n’est pas le but de ma chronique !

En fin d’après-midi c’est l’heure de l’apéro et de la collation fancy. Des fois avec Jean-Denis et Louise de Néméa, des fois seuls entre nous. Le souper est souvent vers 19h ou 20h. On peut jouer au cribble ou au backgamon un petit peu et hop au lit. On dort bien et longtemps. Beaucoup plus longtemps qu’à la maison. La télévision ne me manque absolument pas, contrairement à ce que je pensais. Le Blackberry ne me manque pas non plus. Je me surprends à complètement oublier ma vie d’avant… Autant j’aimais beaucoup mon travail, autant ça ne fait plus parti de ma vie actuelle et ça ne me manque pas. Heureusement que nous avons acheté des données internet et que je suis toujours en contact avec mes proches. La tablette est encore importante dans ma vie pour Facebook, pour faire des Facetime ou Messenger avec mes enfants et mes parents, pour les courriels, et pour LaPresse+.  J’ai peur de trouver difficile le fait de ne pas avoir accès à wifi lorsque je serai dans de petites iles dans le Sud…

Nous avons donc rentré à Norfolk le 20 Octobre. Norfolk est le plus grand chantier maritime de la Navy américaine. Il y a un grand nombre de bateaux de guerre en construction ou accostés dans le port. Des hélicoptères de l’armée qui supervisent les airs à longueur de journées. Un port industriel assez occupé. Des bateaux de plaisance qui entrent et sortent, des régates de petits voiliers, bref le retour à la civilisation était un peu brutal. Nous avons ancré juste devant le centre-ville et avons été marché dans la ville quelques heures. Le grand musée de navigation de guerre aurait beaucoup intéressé mon père (il se reconnaitra ici !) mais ne nous intéressait pas particulièrement. Nous avons quand même apprécié marcher dans l’ancien quartier et découvrir les belles maisons près du centre-ville, et de se promener sur la rive.

Nous avions comme plan de lever l’ancre tôt le lendemain et d’entreprendre l’ICW (Intracoastal Waterway) pour atteindre Beaufort en Caroline du Nord. Nous voulons absolument éviter de passer devant Cap Hatteras car la mer n’est pas souvent belle dans cette région pour plusieurs raisons (les vents, les haut-fonds, le Gulf Stream). Les plans ont changé. Ça arrive souvent en navigation et on doit s’adapter. Le guindeau (équipement motorisé qui aide à jeter et lever l’ancre et sa chaîne de 140pi) est brisé. On ne peut pas prendre le risque d’entreprendre 3-4 jours de navigation dans l’intracostal sans pouvoir ancrer… De plus, il annonçait des vents de 30-35kts du nord et il fallait se protéger. Pour ceux qui ne savent pas ce que je veux dire par kts :  c’est une vitesse comptée en nœuds. Un nœud = un mille marin/heure. Un mille marin représente 1.8km. Donc des vents de 35kts = plus de 60km/h et on ne veut pas se farcir ça en pleine face à l’ancre… On y a gouté à Cape May et on ne se fera plus prendre si on peut l’éviter. Nos amis de Néméa que nous avions quitté quelques jours avant, ont choisi d’aller à une marina à Hampton et ils nous ont réservé une place. Nous avons parcouru 2h pour revenir sur nos pas, et avons bien apprécié cette marina. C’est un luxe qu’on ne se payera pas souvent car c’est dispendieux les marinas, mais on apprécie avoir accès aux quais, électricité, eau courante, grandes installations de douches, buanderie à la portée. Nous étions ravis de retrouver nos amis et encore, de profiter de leurs conseils et enseignements. Nous avons soupé en ville avec eux et avons partagé des beaux moments. J’ai pu aller jogger, aller faire de grandes provisions au Wallmart (je suis une fan maintenant, moi qui n’y allait jamais à la maison !) Ce magasin est pratique car on trouve de tout sous le même toit, et l’épicerie est un peu plus raffinée que les épiceries ordinaires aux USA. Le bateau est rempli à craquer de réserves, de victuaires, de vins, de gâteries. Depuis Plattsburg que je fais des provisions en prévision du coût très élevé aux Bahamas et surtout du manque de ressources. J’ai des réserves partout. Je me suis même fait un fichier excel, avec plusieurs onglets, pour connaître le compte de chaque item, et surtout pour me rappeler où je peux les trouver…Il y en a dans les coffres derrières et sous les banquettes du carré, sous les planchers à différents endroits, sous le lit avant, avec la tuyauterie des toilettes, sur le lit arrière. On pourrait faire une traversée d’un mois qu’on ne manquerait seulement que quelques produits frais…  
Stéphane a travaillé sur le guindeau, en à commander un nouveau flambant neuf, pour réaliser que, peut-être, nous avons seulement besoin de faire réparer le moteur. La livraison de la pièce se fera à Beaufort, mais entre temps, nous tenterons de trouver un endroit aussi à Beaufort, pour faire réparer celui qu’on a pour beaucoup moins cher. Nous avons profité de Hampton pendant 2 nuits et les vents annoncés.

Nous avons entrepris l’ICW hier matin en compagnie de Néméa. Le Dismal Swamp Canal, que j’avais pris lors de mon convoyage en juin est fermé. L’ouragan Mattews est passé par là il y a quelques semaines et a fait des dégâts. Les débris ne sont pas encore tous ramassés. On a donc pris la Virginia Cut. Un peu plus long mais pas mal plus large, et plus profond. C’est donc un très bon choix. Par contre, il n’y a pas beaucoup d’endroit pour ancrer. Après 9h de moteur, nous avons finalement jeté l’ancre dans un endroit désert, pas beaucoup protégé, en souhaitant que ça ne brasse pas trop. Le vent a baissé et on a dormi très confortablement, frais et dispo pour reprendre la route. Stéphane a été en mesure de relever l’ancre « à bras », sans l’usage du guindeau, et ce fût plus facile qu’il le pensait.

Nous avons bien avancé et avons même pu sortir les voiles dans les parties plus larges. Comme il n’y a pas d’endroit pour ancré, nous avons décidé d’aller dans une marina juste avant entreprendre la Alligator River, toujours avec nos amis de Néméa. L’accostage est notre hantise ici, dans le sud, avec les poteaux au lieu des quais avec taquets. Nous devons entrer entre deux séries de poteaux et attacher nos amarres de façon que nous ne sommes pas familier. En plus, le vent ou le courant nous emporte dans une direction non désirée… Stéphane est très stressé et il déteste ces maudits quais du sud. J’ai confiance qu’après quelques expériences nous serons meilleurs et plus confiants, mais pour l’instant, ce n’est vraiment pas facile et agréable. Moi qui s’était améliorée à la barre pour les accostages et le largage d’amarres, ici je trouve difficile les manœuvres avec le vent et le courant. Nous sommes dans la cour des grands maintenant et ça n’a rien à voir avec le Lac Champlain. Nous ne sommes pas à l’aise mais nous sommes convaincus que ça viendra. Ce qu’on se rappelle le soir en soupant, c’est notre belle navigation durant la journée alors c’est bon signe!

mercredi 19 octobre 2016

12 Octobre au 19 Octobre


12 Octobre

En partant de St-Michaels, nous avons descendu vers le sud avec plusieurs arrêts pour passer la nuit. La baie de Cheasapeake est si grande, que lorsqu’on veut ancrer dans un endroit à l’abri, il nous faut entrer dans de longues et larges rivières, ensuite dans de longs bras qui entrent dans les terres, avec plusieurs détours car c’est peu profond dans ces petites baies. Il nous faut surveiller en plus les nombreuses bouées laissées par les pêcheurs de crabe et d’huîtres. Il y en a partout et il faut absolument les éviter pour ne pas qu’elles se prennent dans notre hélice. Donc pour choisir un endroit où passer la nuit, nous devons faire un détour de presque 2h pour se rendre à l'endroit choisi, et prévoir ce même 2h pour y sortir le lendemain matin et revenir au large, dans la baie. Nos journées de navigation commencent habituellement à 9h et se terminent vers 16h. 

Toutefois ces baies sont magnifiques. On voit de rares maisons avec leur bateau accosté juste devant. Ça ressemble à nos lacs, entouré d'arbres, mais l'eau est salée. La température s'est adoucie au cours de la semaine, ou c'est peut-être au fur et à mesure qu'on avance vers le sud. Nous avons eu des journées merveilleuses. Toutefois, dans la dernière semaine, seulement 2 journées où nous avons pu sortir les voiles. Celle avec un vent du Nord, que nous avons enfin sorti le Genneker. Quel bonheur de revoir cette si belle voile et surtout, le confort de naviguer au portant. Hier fût aussi une journée magnifiques, avec un vent du Sud-Sud ouest de 15-20 kts, Nous étions au près et nous avions une très belle allure. 

Voici quelques photos que nos amis de Néméa ont pris de nous en pleine navigation!



Nous avons été à Solomons pour faire l'épicerie. C'est toujours une expédition de faire les courses lorsqu'on voyage. Tous les navigateurs nous comprennent à ce niveau. Ce sont les seuls à nous comprendre lorsque la seule activité d'une journée est de faire les courses! Nous avons cherché l'endroit pour amarrer le dinghy (bien caché dernière le Holiday Inn!), ensuite marché vers le village pour voir son centre-ville, marcher ensuite à l'extérieur du centre pour trouver le supermarché, et rapporter, toujours à pied, 4 gros sacs d'épicerie. Nous avons marché plus de 10km. On vient de s'équiper d'un porte bagage sur roulettes pour apporter des paquets et avec nos sacs à dos, c'est tout de même faisable.

L'atmosphère sur le bateau est toujours aussi agréable. Nous avons partagé de bons soupers avec Louise et Jean-Denis de Néméa. Jean-Denis est une référence dans la navigation et les technologies et il nous a transmis beaucoup de connaissances. Le couple nous ont pris sous leurs ailes, le temps de quelques jours, et ont été très généreux dans leurs conseils et leurs trucs de vie à bord. Nous avons apprécié partager ces moments avec eux. On se dit qu'un jour, c'est nous qui auront beaucoup d'expérience et nous pourrons donner des conseils à de nouveaux navigateurs. Ce qui est remarquable au sein de la communauté des navigateurs (surtout entre propriétaires de voiliers), c'est le partage et l'entraide. C'est beaucoup l'attitude de "donner au suivant" et j'adhère totalement à cette vision des choses.

Nous présentement au moteur car aucun vent sur la grande baie. On se dirige vers Hampton et nous souhaitons passer Norfolk et entrer dans les terres avant vendredi soir. Il annonce de forts vents de vendredi soir à dimanche matin et on ne veut pas être sur la Cheasapeake. 

16 Septembre au 1er Octobre

Grand Départ: 16 septembre


Il restait encore 2 courses à faire, même au dernier jour. Stéphane était parti chercher des pièces pour le moteur hors-bord ainsi que ses réserves d’huile à transmission. J’en ai profité pour aller jogger car il fallait que je sorte mon énergie qui débordait…

Susie et Justyn sont venus nous voir partir. Il devait ramener l’auto dont on se délaissait. Après avoir sabré un petit mousseux sans alcool, à 11h pile, on larguait les amarres. Nous sommes conscients qu’on fait des jaloux… Tout le monde sur Facebook nous envoie des messages. C’est enivrant ! J’ai même croisé par hasard une amie de voile, qui était aussi excitée que nous par ce départ. Au moment précis de faire les manœuvres pour quitter le quai, c’est à ce moment que l’excitation était à son comble. 


Stéphane qui avait tant travaillé au quai depuis des mois, était exaspéré d’être encore au quai. Il voulait seulement « sacrer son camp » au plus vite. Et moi qui avait peine à réaliser l’ampleur du projet qui nous attendait… mais j’avais les papillons dans le ventre. Je suis avec mon homme dans cette belle aventure et c’est tout ce qui compte. J’ai confiance que tout va bien aller. J’ai hâte de sortir de ma zone de confort, de m’accomplir dans ce grand projet, et d’explorer de nouveaux côtés de moi que je ne connais pas.  Il ne faut pas penser à tous les risques qui nous guettent, ni aux personnes qu’on laisse derrière, ni aux mésaventures que, inévitablement, nous devrons faire face. Je suis optimiste, tout en étant réaliste. Je suis confiante, tout en étant prudente. Je suis légère, tout en sachant les tâches ardues qui nous attendent.

Pour notre première journée, nous avons eu une journée parfaite ! Soleil radieux, pas de vent, nous avons parcouru 45 milles nautiques et avons ancré à Kingsland Bay. Le lendemain il y avait un 25-30 nœuds de vent du Sud donc en pleine face avec des vagues de 2-3 pieds. Le mat était très bien attaché et aucun risque que ça bouge. Dès qu’on est sorti de la partie large du Lac, nous étions mieux protégés et par conséquent, la navigation était revenue plus calme. Nous avons bien avancé jusqu’au pied de la première écluse du Canal Champlain.

Écluses et Rivière Hudson

18 septembre

Après une nuit à une marina, on a pris la première écluse à 7h le lendemain. Comme j’avais déjà fait ces écluses, j’étais fière de prendre les commandes et d’indiquer à mon capitaine comment il fallait faire. Nous avons avancé tranquillement dans le canal toute la journée et avons réussi à faire 7 écluses sur 12. Il y a eu, à quelques occasions, des mouvements hésitants qui ont inquiétés mon capitaine mais somme toute, pas une égratignure sur Ambition. C’était le but, non ?

Nous étions suivis de près par un autre voilier du Lac Champlain qui se nomme C’est la vie. Nous avons accosté juste avant l’écluse 4 ensemble et avons partagé l’apéro avec les propriétaires, Monique et Sylvain. C’était agréable de partager nos anecdotes et expériences. A l’heure d’aller se coucher, tout à coup, on voit les lumières et la porte de l’écluse s’ouvrir. Quelqu’un vient nous indiquer qu’il faut se déplacer car une immense barge s’engage dans l’écluse et nous sommes dans leur chemin. Personne ne nous avait informé de ces activités nocturnes. C’est sous la pluie, en pleine noirceur, qu’on a dû quitter le quai pour y revenir une fois la barge passée. Toutefois comme il faisait noir et que nous n’avons pas eu le réflexe de sortir la torche, Stéphane s’est trop approché du bord en face et nous avons échoué. Il était dans tous ses états évidemment ! Incapable de se sortir de là. Une chance notre ami Sylvain est venu à la rescousse. Je lui ai jeté une amarre et il nous a sorti tranquillement de la vase où nous étions enlisés. Plus de peur que de mal. C’est l’expérience qui rentre. Et Stéphane qui réalise qu’il doit faire de gros effort pour garder son calme… Et Sylvain qui conclut en disant, tout calmement : ça nous fera des choses à raconter à nos petits-enfants !

20 Septembre

Nous avons poursuivi les écluses et tout s’est bien passé. Stéphane a même admis que c’était moins difficile qu’il pensait. Nous nous sommes rendu à Catskill et avons choisi Hop-O-Nose, la même marina qu’on avait fait le démâtage lors de mon convoyage. A nouveau, le démâtage fût moins problématique que Stéphane l’anticipait. Ils ont fait un beau travail. Ensuite, nous avons pris la journée entière pour réinstaller tout le gréement, la bôme et le hale-bas, les cordages, les voiles, le radar et le fil HF qui tiennent sur les haubans... Par une journée très chaude et humide, ce fût assez pénible. Nous étions crevés mais ravis d’avoir passé au travers sans trop de problèmes. Nous avions enfin remis Ambition à l’ordre, comme il doit être, prêt à sortir les voiles. Après 2 nuits au quai, un bon nettoyage du bateau, et les courses, nous étions prêts à poursuivre la rivière Hudson. Direction New-York. Mais c’est long. Nous n’avions pas prévu naviguer à contre-courant. Les marées déjà. Sur le champ, on lit et on consulte les tables de marées. L’expérience qui rentre…

Après 11h de moteur, nous sommes finalement arrivés près de NY. Nous avons ancré près d’une belle falaise, dans un endroit calme et tranquille, juste avant la partie occupée du port, en ayant une belle vue sur la Grosse Pomme illuminée de loin. C’était magique !

Nous avons marché toute la journée dans la ville, par une chaleur intense. La jungle urbaine ne nous plaisait pas particulièrement. Comme on avait déjà visité la ville à quelques reprises dans nos anciennes vies, on a décidé de quitter le lendemain. Ce fût une bonne décision. Le mouillage à la marina de la 79e rue n’était pas protégé. Le courant fort, les bruits de la ville, en plus de ne pas être à l’abri du vent, ça brassait pas mal. On a mal dormi. Au matin, nous avons quitté vers Sandy Hook. Une belle baie entourée de longs bancs de sable, à 4h seulement de Manhattan par voie maritime. Nous avons été rejoindre nos amis de C’est la vie. Nous avons partagé un bon souper et c’était agréable d’apprendre à les connaître.



Première traversée en mer : Sandy Hook-Cape May

Nous avons convenu de faire notre première traversée en mer jusqu’à Cape May avec Sylvain et Monique. Ils ont déjà fait les Bahamas en 2011 alors c’est rassurant de se faire accompagner. Les anciens propriétaires d’Ambition, Merrill et Maryse, étaient aussi dans la baie. Nous avons tous quitté au même moment. 

Nous avions consulté les fichiers météo de la NOAA ainsi que les prévisions 24h. Il annonçait un vent du Nord, 10-15 nœuds, ce qui nous donnerait une allure au portant qui devrait, en théorie, être facile à naviguer. Sylvain était supporté par un pro à Montréal et la fenêtre météo était bonne selon lui aussi. Le départ était prévu pour 11h afin de naviguer toute la journée et la nuit et d’arriver en matinée, à la lumière du jour, et avec la marée favorable.

Nos sentiments étaient partagés. Autant nous avions hâte à ce moment particulier, autant nous étions très nerveux face à l’inconnu qui s’en venait. La mer, c’est toujours un peu inquiétant. De plus, nous prenions conscience de la responsabilité sur nos épaules : responsable de notre bateau, de notre sécurité, de nos vies !  Wow ! Serions-nous à la hauteur ? Stéphane avait l’impression d’avoir perdu sa confiance en lui. Pourtant, il est un bon navigateur et je n’ai aucun doute sur ses capacités. Sa confiance reviendra avec le temps et l’expérience. Mais le doute est dans sa tête et je dois le rassurer. On travaille en équipe. Je tente d’être proactive, d’être participative, mais moi aussi, je me sens vraiment toute petite devant ce grand défi. Je voudrais me remettre entièrement à lui mais il a besoin de mon appui. Nous sommes interdépendants. Nous en avions discuté souvent auparavant du fait que nos forces sont complémentaires, que nos inquiétudes respectives doivent être prises au sérieux et que l’autre doit supporter celui ou celle qui a des doutes, ou qui a peur, ou qui se sent moins fort et invincible…

Pendant que Stéphane préparait tout sur le bateau en vue du départ, je me suis activée à préparer les lunchs d’avance ainsi que le souper à faire seulement chauffer dans la micro-onde. Pendant une navigation en mer, je ne voulais surtout pas devoir fouiller dans le frigo, tout sortir, cuisiner, faire la vaisselle…

Nous avons sorti les voiles, mais malheureusement, le vent était trop faible, ça n’avançait pas. Dans une traversée, ce n’est pas comme au Lac Champlain, on ne peut pas juste se laisser avancer au gré du vent, sans compter le temps. Pour arriver à une destination précise, le temps est compté et il nous fallait avancer. Nous nous sommes résigné à partir le moteur et à une vitesse moyenne de 6 nœuds, que nous avons fait 20h et que nous sommes arrivés à Cape May à 7h30 le lendemain matin.

Comment expliquer le sentiment qui m’habitait lors de cette nuit en mer. Stéphane était stressé, malgré qu’il n’eût pas de danger qui nous menaçait. Ça faisait trop longtemps qu’il n’avait pas pris la mer à mon avis. La nuit était calme, le ciel étoilé et les longues vagues régulières à 5-6 pieds de hauteur mais qui étaient confortables à prendre. Nous voyions la côte car on longeait vers le Sud à l’intérieur de la ligne des 3 milles. Il n’y avait pas de trafic sur l’eau, à part quelques bateaux de pêches. Il nous fallait seulement surveiller C’est la vie pour rester ensemble, mais pas de trop prêt. J’étais très heureuse d’avoir fait le convoyage il y a 3 mois avec une capitaine qui m’a sécurisée. Cette première nuit en mer sur Ambition, et bien je me sentais en pleine possession de mes moyens. J’ai laissé dormir Stéphane de 21h à minuit, et de 3h à 6h. Il était plus fatigué que moi et j’étais ravie qu’il me fasse confiance. J’ai lu, j’ai fait des mots croisés, j’ai envoyé des courriels, tout en assurant une veille sur le bateau et sur notre environnement. J’ai pu apprécier le coucher du soleil la veille et le lever du soleil à 6h. J’ai même vu des dauphins. La nuit s’est super bien passée et à notre grand étonnement, nous sommes entrés dans la baie de Cape May plus vite que je le pensais. Nous étions vraiment soulagés de cette première expérience positive.

J’ai dormi un peu en avant-midi et nous sommes ensuite parti explorer la ville. Nous avons marché du port, jusqu’au centre-ville, ensuite jusqu’à la plage, et nous avons longuement marché les pieds dans l’eau, dans l’océan Atlantique ! Les vagues qui se cassaient sur le sable, je ne les voyais plus comme avant… Nous étions dessus quelques heures auparavant. Je n’ai plus la même perspective de la mer maintenant. Nous avons partagé l’heure de l’apéro avec Monique et Sylvain et avons profité d’une bonne nuit de sommeil bien méritée.

Cape May

Le lendemain, Stéphane souhaitait faire le plein de diesel, faire les pump-outs, et prendre la mer pour contourner le Cape et se diriger dans la Baie de Delaware, avec la marée montant de 12h à 18h pour nous faciliter la montée vers le Nord. C’était le plan. La vie sur un voilier nous réserve toujours des surprises.  Les journées se suivent mais ne se ressemblent pas !

Seulement de trouver une marina qui était ouverte (c’est la basse saison ici présentement), et qui avait assez d’eau pour s’y rendre, ce fût ardu. En arrivant au quai de service, Stéphane a malencontreusement échappé à l’eau la clé qui ouvre le réservoir de gaz… Malgré plusieurs essais avec outils et autres accessoires, incapable d’ouvrir le fameux bouchon de réservoir… On a quand même faire les pump-outs. Ce sont de nouveaux connecteurs et Stéphane n’était pas familier. Il s’est fait splashé de merde à la grandeur ! Partout sur lui et le pont !  Quelle horreur ! Après s’être lavé le plus gros avec le boyau d’arrosage, on décide de revenir dans la baie et demander à Sylvain sa clé. C’est la vie est un Beneteau donc il a la même clé que nous. On retourne au quai à l’autre bout de la baie, et on fait finalement le plein. Heureusement nous avions des bouchons de rechange, sans clé, que nous utiliserons maintenant. En sortant de la marina, je suis à la barre et je vise la mauvaise bouée. J’ai perdu le sens de l’orientation soudainement et je ne regarde pas la sonde qui indique la profondeur. On a échoué dans 3 pieds d’eau ! Je suis dans tous mes états, et je me confonds en excuses… Ce n’était vraiment pas le moment. Stéphane reprend son calme, et jamais il ne m’accuse pour cette erreur… On met le dinghy à l’eau, remet le moteur dessus et on tente de se déprendre avec la drisse de spy. Impossible… On doit se résigner à appeler le remorqueur. Une chance que nous avions payé notre abonnement à Boat US (un must sinon le remorquage seul nous aurait coûté $775!). Ils sont venus à l’intérieur de 15 minutes et nous ont dépris bien tranquillement.

Après toutes ces mésaventures, on s’est dit que nous n’étions pas dû pour partir aujourd’hui. On a décidé de rester pour faire les travaux de toilettes. Stéphane devait faire les connections pour vider directement dans la mer, mais celles aussi pour vidanger les réservoirs dans la mer. Après des heures d’acharnement, il a dû se résigner que ça ne fonctionnait pas… J’admire sa persévérance car ça ferait longtemps que j’aurais abandonné. Il a essayé maintes fois mais il n’arrivait pas à installer les tuyaux à leurs places, dans un espace extrêmement restreint pour travailler. Il voulait à tout prix terminer le travail mais à 18h, j’ai dû le convaincre de lâcher prise et qu’il fallait arrêter et reprendre plus tard. Il a beaucoup de difficulté à accepter de ne pas être en mesure de finir une tâche. Il devra apprendre la résilience… Mais une chose que je reconnais, jamais il ne soulage sa frustration sur moi. Il demeure patient, et j’apprécie énormément.

La cuisine est un des seuls endroits où je me sens vraiment utile. Depuis notre départ, je prends en charge la planification et la préparation des repas et je m’assure qu’on ne manque de rien.  J’ai donc fait une bonne soupe pour réconforter mon homme et qui en même temps, pouvait changer l’odeur provenant des toilettes !

L’apéro avec nos amis de C’est la vie fut bienvenu. Ça lui a changé les idées, et nous étions en mesure de rire de nos mésaventures de la journée. L’humour est le meilleur remède pour dédramatiser des événements, et pour se dire que demain sera une meilleure journée !

Le lendemain nous voulions avancer sur la Delaware mais les conditions étaient mauvaises. Impossible de quitter la baie avec ces vents à 25-30 nœuds qui allaient forcir en soirée, sans savoir où nous allions mouiller. Stéphane en a donc profité pour défaire ce qui avait été fait la veille, et fixer le principal dans les 2 toilettes. J’ai eu le temps d’aller jogger, ce qui m’a fait le plus grand bien. Nous avons reçu nos amis à souper et c’était agréable de rire avec eux.

29 Septembre 

Nous sommes encore pris à Cape May, pour encore 2 à 4 autres jours. Les vents sont forts (plus de 35 nœuds) et il pleut à boire debout depuis la nuit. Je n’ai pas beaucoup dormi car nous ne sommes pas vraiment protégés dans cette baie, mais aucun autre endroit où aller. On ne peut même pas prendre le dinghy pour aller en ville, c’est trop agité. On doit se résigner que c’est ça aussi la navigation. Il faut développer notre patience et notre résilience…

Le soir venu, le vent était redoutable et épeurant. Les vagues entraient dans la baie et notre Ambition se faisait brassé au bout de la chaîne. Nous avions discuté du fait que l’ancre était sécure puisque nous n’avions pas bougé depuis 24h malgré ces vents de 35 nœuds. On a donc été se couché, sans avoir mis l’alarme auparavant, ce qui est une erreur de notre part. Une seconde erreur a été de ne pas avoir laissé suffisamment de chaîne. Nous avions comme référence le Lac Champlain mais ici, c’est la mer ! Il faut laisser plus de 7x la profondeur de l’eau. On venait tout juste de s’endormir lorsque j’ai été réveillée par des klaxons insistants. Je réveille Stéphane et c’est le voisin qui nous avertissait qu’on chassait directement vers lui ! Branle-bas de combat, on s’habille, Stéphane met sa VFI, sa lampe frontale, s’attache sur la ligne de vie (obligatoire à ma demande !) et part sur le pont lever l’ancre rapidement.  Je démarre le moteur et c’est moi qui doit diriger le bateau. Il tombait des clous et j’avais de la difficulté à voir mon capitaine sur le pont… Mais je gardais mon calme, et je savais que nous étions capables de le faire. Stéphane me donnait ses instructions (il criait à tue-tête plutôt à cause du bruit du vent et de la pluie battante !). Il fallait mettre les moteurs à fond pour remonter ce vent. La chaîne ne remontait pas assez vite et le bateau s’approchait dangereusement de nos voisins… Il nous fallait absolument prendre le contrôle du bateau. Le guindeau (l’équipement qui remonte l’ancre) forçait au maximum, le moteur au maximum d’avant (contre le vent) et de reculons (contre le courant !). On réussit donc à lever l’ancre et go, il fallait foncer ailleurs, plus loin des autres bateaux, mais sans aller s’échouer sur la rive de roches…  Je grelottais car je n’avais pas pris le temps de mettre mon manteau de pluie. Mais je fonçais à toute vapeur nous mettre dans un endroit dicté par le capitaine. On a jeté l’ancre et du premier coup, elle a bien tenue. Stéphane revient au cockpit et il est fier de moi. Il me félicite pour mes manœuvres. Je le félicite à mon tour par sa manière d’avoir pris en charge la situation, et d’avoir réagi avec aplomb. Il avait même cherché son instinct de survie pour y arriver et j’étais satisfaite de sa réaction.

Toutefois, le doute sur la fiabilité de notre ancre venait de s’installer. Pour cette raison, j’avais peur de chasser à nouveau. Stéphane est resté une partie de la nuit dans le cockpit à surveiller. J’ai tenté de dormir mais j’étais aussi en veille dans mon lit, à surveiller constamment nos points de repères à terre par le hublot. Malgré l’alarme qui était mise, malgré la longueur plus longue de chaîne que nous avions mise, la crainte de chasser était là. C’était notre première expérience et nous avions une pensée pour notre ami Claude de Zabato qui a toujours été très prudent à ce chapitre… Il se reconnaîtra ici !

Le lendemain, toujours autant de vent. La pluie avant diminuée mais le temps était encore très maussade, et surtout, les vagues dans la baie étaient de 2-3 pieds, ce qui rendait un déplacement en dinghy trop précaire. Nous étions encore confinés dans le bateau, sans pouvoir aller faire les courses. Heureusement qu’on avait de bonnes provisions.

La vie à bord lorsqu’on ne peut sortir pendant 5 jours consécutifs est tout de même agréable. Stéphane arrange des trucs et fait ses lectures d’équipements qu’il souhaitait faire depuis longtemps. Pour ma part, je lis, j’écris, j’ai accès à internet avec ma tablette. On organise les coffres, les équipets, et les réserves de bouffe. Je fais même une séance de yoga et j’improvise une séance de danse d’aérobie dans le carré afin de dépenser mon énergie. On écoute de la musique, on danse, on fait nos étirements. On joue au cribble, on rit, on discute, et l’atmosphère est tout de même bonne. Les journées ont passé vites.

1er Octobre

On pensait bien pouvoir partir aujourd'hui mais il y a encore trop de vent, de la pluie, et on ne sait pas si la mer est encore agitée par les derniers jours. On doit remettre à demain notre départ. Mais on voit l'ouragan Mattews qui s'est vient... Il monte vers la côté est américaine mais on se sait pas s'il atteindra la région ici. On doit absolument aller se mettre à l'abri dans le nord de la Delaware ou de la Baie de Cheasapeake. Si ça continue, Mattews pourrait nous empêcher d'aller à Anapolis car des gros vents sont prévus dans ce coin là pendant les dates du Boat show, 7-8-9-10 octobre. On se garde connecté, on télécharge des cartes météo de différentes sources. Nous sommes même en communication avec le Réseau du Capitaine chaque matin pour avoir des nouvelles des autres navigateurs qui sont dans la région. On ne prendra pas de risques. Toutefois, on est un peu embêtés de rester pris ici, et cette flotte qui dure toujours. Mais lorsqu'on se compare, on se console. Ça pourrait être pire. 

2 Octobre au 12 Octobre

2 Octobre


Après 6 jours coincés à Cape May, nous avons finalement pu sortir. Nous avions décidé de sortir à 4h am pour prendre la mer, contourner le cap, faire la Baie de Delaware jusqu’au Nord, prendre le canal C&D pour aller mouiller près de Cheasapeake City avant la tombée de la nuit. Les premières heures avant le lever du soleil ont été plus ardues car il y avait beaucoup de brume. Heureusement on pouvait se fier à notre radar, ainsi qu’à notre AIS sur notre radio. Nous étions en mesure d’identifier facilement les bateaux sur notre chemin. Avec l’AIS, on peut même voir leur nom et leur trajectoire.  
Nous avons eu un beau vent au près et on a enfin pu sortir les voiles. En plus, le courant nous portait favorablement. Nous avons avancé à plus de 8 nœuds et beaucoup plus rapidement qu’on pensait. Tout le monde nous avait dit que la Delaware était capricieuse, difficile, mouvementée. Pas pour nous ! Elle a été très belle et bonne pour nous. Nous avons mouillé dans le Nord de la seconde baie, juste après Cheasapeake City.


3 Octobre

Nous avons avancé vers le Sud jusqu’à Baltimore. Nous pouvions ancrer juste à l’entrée du port, dans un petit coin tranquille, près de Anchorage Marina. Monique et Sylvain de C’est la vie se sont joint à nous et nous avons souper ensemble. J’ai pu aller jogger sur la belle promenade qui mène jusqu’au centre-ville, dans l’Inner Harbour, ce qui m’a fait le plus grand bien.

Le lendemain, Stéphane et moi avons pris une grande marche sur la longue promenade bordant la baie. Cette promenade est très bien aménagée, elle longe les quais de la ville, les marinas, les beaux condos, l’Aquarium et les différents édifices touristiques. Le Inner Harbour est vraiment agréable à découvrir. Nous sommes revenus par les rues du centre-ville, et le vieux quartier italien avec ses rues pavées et ses nombreuses terrasses, bistros, boutiques. Nous avons découvert une très belle ville.
En soirée, j’ai vu sur Facebook que 2 couples d’amis de Stéphane étaient à Washington pour quelques jours. Quel hasard ! Nous avions décidé de s’y rendre le lendemain ! Un rv a été donné aussitôt. Vive Facebook !

Nous avons pris le bus (gratuit) et ensuite le train (seulement $8) pour aller à Washington. Les amis de Stéphane nous attendaient à la gare. Ce fût une belle rencontre qu’on ne s’attendait pas et nous avons profité de la ville avec eux. Ce n’était pas ma première visite dans la capitale américaine mais pour Stéphane c’était le cas. Il a été agréablement surpris de la beauté des monuments, des espaces verts, des musées, de l’architecture.  En une seule journée on ne peut pas tout voir mais nous avons pu en profiter au maximum. Nous avons marché beaucoup et nous avons rejoint nos autres amis navigateurs en fin de journée, tous crevés, mais ravis par notre journée chargée.




6 Octobre

Nous souhaitions se rendre à Annapolis pour le fameux Boat Show, mais nous étions préoccupés depuis quelques jours par l’ouragan Mattews qui ravageait les Bahamas, Haiti, Cuba, et qui remontait vers la côte est de la Floride et ensuite, vers le nord. Nous devions à chaque jour surveiller l’évolution de la météo sur la Cheasapeake. A ce jour, nous n’étions pas menacés. Après avoir contacté des amis navigateurs qui étaient déjà à Annapolis, et écouter les nouvelles chaque matin sur le Réseau du Capitaine, on a donc décidé de s’y rendre. Ce fût une bonne décision car nous avons pu mouiller dans la baie juste en face du show, avec de bonnes conditions. Il y avait pas mal d’actions devant nous : de nombreux voiliers qui entraient et sortaient du site principal, des régates de petits voiliers, les bateaux taxis, en plus des nombreux navigateurs comme nous, qui venaient visiter l’exposition.

L’avantage de mouiller juste devant est que nous avons rapidement accès au site en dinghy. Il faisait beau. Nous avons été prendre une marche en ville dans la soirée et avons été prendre un verre dans un petit bar avec un chansonnier : en plein le genre de soirée que j’aime bien. Nous avons croisé Bruno Lemieux, propriétaire de Navtours avec qui nous avons fait nos convoyages et Stéphane était très fier de lui annoncer qu’il avait réalisé son rêve : la retraite, le voilier, la capitoune, et le départ sans date de retour !  

La journée suivante fut consacrée à l’exposition. Nous avons apprécié mais ce n’est pas vraiment notre genre d’activité préférée. Ayant fait l’achat de tout ce qui manquait pour le bateau avant de partir, nous n’avions pas de besoins précis. La visite des voiliers neufs était intéressante mais  j’étais un peu mitigée. Personnellement, j’avais un malaise à voir autant de richesse et d’opulence. Mon côté humanitaire me disait qu’on peut bien se contenter d’un peu moins, et d’en laisser pour les autres… En réalité, je n’enviais absolument pas les gens qui font l’acquisition de ces monstres à plus de $1M et que je me considérais très privilégiée de vivre sur Ambition 1. On l’aime notre bateau qui est aussi notre compagnon. On est très confortable tel qu’il est!

Il fallait venir voir Annapolis et son exposition car tous les navigateurs nous disaient que c’était un must. On peut faire « check » sur notre liste mais on ne reviendra pas.  Nous ne sommes pas des « magasineux » et on n’apprécie pas particulièrement les foules non plus. Notre meilleur moment de la journée fût notre lunch partagé avec Georges et Andrée du voilier All and About. Nous avions fait la formation avec Benoit Villeneuve ensemble ainsi que quelques séminaires. Stéphane accorde un grand respect pour Georges, qui a beaucoup de connaissances avec les technologies. C’était agréable de partager nos anecdotes et expériences. C’est aussi leur premier voyage vers le Sud et nous vivons les mêmes craintes, les mêmes doutes, et les mêmes problèmes…

8 Octobre

L’ouragan Mattews n’est pas vraiment une menace pour le nord de la baie de Cheasapeake mais il annonce des vents de 35 kts du Nord pour les prochains 2 jours, avec beaucoup de pluie. Nous ne sommes pas protégés devant l’exposition et on décide donc de se déplacer. Stéphane choisi un endroit qui lui semble bien protégé sur la carte et il s’avère que ce choix était le même que Néméa (Jean-Denis et Louise) que nous avons entendu sur le Réseau du Capitaine ce matin. Ça nous confirme qu’on prend la bonne décision et on lève l’ancre. C’est à seulement 10 milles nautiques (MN). On peut même lever les voiles un petit bout, enfin !

La journée est pluvieuse et moche mais nous sommes solidement ancrés, dans une petite rivière (Harness Creek, dans la South River).  Le lendemain, c’était la journée corvées de lavage, épicerie, courses. C’est toujours une expédition de faire ce genre d’activité et ça peut nous prendre la journée lorsqu’on est à pied… Pour s’y rendre, nous devions traverser un beau parc de 2 km de long. Heureusement la marche était agréable et le beau était revenu. Imaginez nous voir revenir avec les 4 brassées de lavage pliées, en plus des sacs d’épicerie dans les bras, pour plus de 2 autres km…   
La petite rivière où nous avions ancré était vraiment bien protégée et nous n’avons pas senti les vagues et le vent attendus sur la grande baie. Nous avons fait 2 nuits à cet endroit.


10 octobre

Il y avait un bon vent de 15-20 kts sur la Cheasapeake et on souhaitait vraiment en profiter. Nous avons enfin levé les voiles, traversé la baie du côté ouest vers le côté est, et sommes entré dans un long bras profond jusqu’à St-Michaels.  Une belle navigation au grand largue et ensuite au près, sous un soleil radieux ! L’ancrage, par contre, fût une (minime) source d’argument entre nous. La vie entre nous, sur le bateau, se passe magnifiquement bien. Toutefois, chacun de nous vivons nos moments de stress de façon différentes, et pour des raisons différentes. L’ancrage était trop étroit, dans une zone peu profonde, et nous avions une vision différente d’exécuter les manœuvres. Comme a déjà dit mon ami Achille : « Louise est parfois un peu trop ardente dans l’expression de ses émotions ». Par conséquent, lorsque je suis inquiète, je stresse aussi mon capitaine, qui n’a vraiment pas besoin de ça, car lui aussi doit gérer ses propres sentiments. Lorsqu’une situation comme ça arrive, j’ai toujours l’impression d’être incompétente, inexpérimentée, poche… Heureusement, nous sommes en mesure de faire une bonne rétrospection après les événements, et de se dire comment on se sentait, et comment on fera mieux la prochaine fois. J’aime beaucoup la façon dont nous communiquons et il ne reste pas de « crottes sur le cœur » après.

Nous avons finalement changé d’endroit pour ancrer, beaucoup plus tranquille, dans un environnement bucolique et magnifique !

St-Michaels est un très joli village touristique, mais nous sommes hors saison alors c’était agréable de se promener dans la rue principale avec ses boutiques et terrasses. Les petites rues avoisinantes avec des maisons typiques en briques rouges avec verendas devant, sont aussi très bien entretenues. Le musée maritime est aussi intéressant. Nous avons même agrémenté notre journée par un lunch au resto sur la terrasse devant la marina. J’ai pu enfin déguster du crabe de la Cheasapeake, qui est en abondance ici. Nous avons terminé cette belle journée par un apéro avec Jean-Denis et Louise, du voilier Néméa. Ils ont du vécu sur leur bateau, naviguant sur le fleuve entre Québec et la Gaspésie. Ils connaissent le Sud et surtout, Jean-Denis est un expert dans les communications sur ondes courtes. Depuis plusieurs jours, nous étions en communication avec le réseau du capiitaine chaque matin, mais impossible d’envoyer des courriels avec la HF. Il est venu corriger certaines choses et nous donner quelques conseils et voilà, ça marche ! Nous pourrons donc envoyer et recevoir des courriels, même lorsqu’on est en mer, sans accès à wifi. Mais surtout, nous pourrons envoyer des requêtes de bulletin météo et recevoir des fichiers grib, ce qui est inestimable pour nos plans de navigation et ultimement, notre protection. Nous serons donc autonomes, sans devoir se fier à d’autres !



12 Octobre

Aucun vent en vue pour le reste de la semaine, mais un gros soleil, et des températures très agréables (20-22 C). Les soirées et les nuits sont fraîches (8-10C) mais heureusement, nous avons le chauffage à bord… Gros luxe !


Nous avons donc décidé de rester encore une autre journée à St-Michaels pour faire différents petits travaux, et pour se couper les cheveux mutuellement.  Stéphane était venu à mon dernier rv avec ma coiffeuse et elle lui avait donné un petit court. Il a donc appliqué ce qu’il avait appris et le résultat est finalement bien correct. Ce n’est pas une coupe de pro mais ça fait très bien l’affaire. De toute façon, comme je lui disait, s’il manque son coup, c’est lui qui devra me regarder comme ça, car moi je ne me regarde plus vraiment dans le miroir… et je en suis plus en représentation professionnelle alors je m’en fou ! Ce fût mon tour ensuite de lui couper les cheveux. Lui qui très méticuleux et qui prend toujours soin de son apparence, je me mettais pas mal de pression sur les épaules. Finalement il a été très satisfait du résultat et j’étais bien fière de moi. Ce n’était pas parfait mais j’imagine qu’avec le temps, tous les deux, on devient bons. On vient de sauver pas mal sur le budget de coiffeuse !