samedi 15 décembre 2018

Panama: Au pays des Kunas


Panama : Au pays des Kunas

Le 3 Novembre, nous avons quitté la Colombie, en route vers le Panama. Un autre 335 MN au compteur, près de 3 jours (et 3 nuits!) de navigation. La première journée fût rapide, avec un vent au portant de 20nds. La seconde journée fût plus lente avec un vent de 10nds. Et on a terminé notre route au moteur avec pas de vent du tout. C’est encore exigeant de vivre au rythme des quarts de nuits, et de subir les vagues… mais bon, il faut ce qu’il faut. Les départs sont encore stressants et ça nous sort toujours de notre zone de confort, mais c’est le prix à payer si on veut découvrir de nouveaux pays!

Nous avons dû faire notre entrée officielle a Linton Isla, premier endroit à fournir le cruising permit ET les services d’immigration dans le même coin (même pas dans le même village en plus!). C’est vraiment absurde qu’on ne puisse pas faire nos formalités aux San Blas, qui sont situées sur notre route, lorsque l'on arrive de l’est. Nous avons dû parcourir 40 MN vers l’ouest, faire nos papiers, et revenir sur nos pas, 40MN vent dans le nez, pour aller ou nous voulions au départ. Mais bon, nous sommes dans les Caraïbes… les règles sont inexplicables parfois!

Les Iles de San Blas sont un vaste archipel comprenant 340 minuscules îles, situées au nord-est du continent. Ses habitants sont nommés des Kunas. Ce sont des indigènes, qui vivent selon leurs anciennes traditions, et qui gèrent leur territoire, qu’ils appellent Guna Yala. Le nom San Blas a été donné par les espagnols conquérants et ces indiens n’aiment vraiment pas ce nom. Les Kunas ont acquis une certaine autonomie vis-à-vis le gouvernement Panaméen et ils gèrent leur territoire et leur mode de vie comme ils veulent.










Avant mon départ pour notre grand périple à voile, j’avais le fantasme de rencontrer un jour des communautés (voir des tribus!) qui vivent sur des petites îles isolées, en harmonie avec la nature et leur environnement. Et bien j’ai réalisé ce rêve, ici, au pays des Kunas! Ils ne sont pas complètement déconnectés du reste du monde car à l’aide d’un petit panneau solaire, ils ont leur cellulaire et parfois une télé reliée à un satellite. Mais ils vivent humblement, autosuffisants et sans aucun employeur local.


Nous avons visités quelques îles peuplées, qui accueillent 40 ou 50 familles. Les jeunes femmes ont en moyenne 8 enfants alors il y a de nombreux petits Kunas qui courent partout! Ils habitent dans des huttes très rudimentaires, faites de bambous et de feuilles de palmiers. Sans électricité ni système d’égout, chaque cabane est construite sur terre battue, et pourvue de hamacs pour dormir, et parfois d’une télé et très rarement, d’un frigo. Aucun autre meuble! Pour la plupart des autres îles, à peine 2-3 familles y vivent et entretiennent leurs palmiers et vendent les noix de coco. Ils permettent aux touristes d’aller se promener sur leur île, et espèrent qu’on leur achète quelque chose ou qu’on fasse des contributions volontaires.

Nos premiers contacts avec ce peuple furent un peu mitigés. Ils veulent nous vendre des choses et peuvent parfois être insistants. Les hommes pêchent et viennent nous accoster, dans leur pirogue fabriquée a même un tronc d’arbre. Ils nous vendent leurs prises du jour (poissons, langoustes, crabes ou pieuvres). Les femmes font de l’artisanat et viennent chaque jour nous solliciter. Au début, on se sentait mal de ne pas acheter. Les poissons et langoustes sont les bienvenus car nos réserves de viandes sont épuisées. Mais l’artisanat…c’est magnifique mais on ne peut rapporter tous ces souvenirs dans chaque pays visités…  





Mais nous avons aussi rencontré des gens très aimables, accueillants, et fiers de leur petit coin de paradis. Une de ces rencontres extraordinaires fut avec Antonio, un jeune garçon de 20 ans. Il nous a pris sous son aile  lorsque l'on s’est arrêté sur son île. Une chance que Stéphane parle quelques mots espagnols et que le langage des mimes est universel. Nous avons pu communiquer suffisamment pour mieux apprendre sur leur mode de vie. Antonio nous a fait visiter son petit village, nous a présenté à sa famille et à ses amis, et nous a invité à venir participer à une fête typique qui avait lieu le lendemain. Nous avons eu la chance d’assister au partage du chicha, boisson  faite de vin sucré, en l’honneur d’une jeune fille qui a atteint sa puberté. Les parents de celle-ci offre le chicha, ainsi que des bonbons et des cigarettes (!) a tout le monde, pendant l’après-midi au complet. Une petite danse spéciale se fait par les hommes avant qu’ils viennent nous offrir un bol de chicha, qu’il faut boire au complet. Et ils reviennent souvent… Les femmes dansent et boivent aussi, tout en fumant la pipe! En même temps, dans une maison à côté, on rase la fêtée qui vient d’avoir ses règles. On n’a pas vraiment compris pourquoi cette petite devait subir cette cérémonie… Les femmes l’entourant étaient pas mal sur le rhum…laissant les nombreux enfants s’amuser entre eux. Les enfants sont magnifiques et très affectueux. J'ai eu la chance de m'amuser avec eux et j'étais ravie!








Laissez-moi vous expliquer comment les femmes s’habillent. Elles fabriquent des molas. Ce sont des broderies faites à la main, avec différents motifs très colorés, sur un carré de tissu, que les femmes ajoutent sur le devant et le dos d’une blouse, qui elle est déjà à motif. Toutes les femmes sont vêtues de leur habit traditionnel, avec cette blouse a mola, sur un paréo d’un autre motif qui sert de jupe, et elle ajoute une étoffe d’un rouge clair comme un fichu sur la tête. De plus, elles portent une série de petites perles montées en long bracelet qui part du poignet jusqu’au coude, et de la cheville jusqu’au genou. L’effet est saisissant car c’est vraiment très coloré. Pour les fêtes spéciales, elles agrémentent leur apparat d’un maquillage particulier. Elles se colorent les joues d'un rose vif ou trace une ligne verticale à l’encre noire, qui part du milieu du front jusqu’au bout du nez. J'ai eu droit a une ligne sur le nez en guise d'invitée. Je me sentais un peu plus proche de ces femmes. Mais ce qui devait être temporaire a durer 3-4 jours... Une chance que je n'avais pas de rencontres formelles a faire! 

Les femmes plus âgées portent un anneau doré dans le nez. J’aurais tellement aimé pouvoir les photographier, mais elles sont catégoriques, je ne pouvais pas les prendre en photos.  Seuls les enfants et les adolescents étaient ravis de se faire prendre en photos. J’avais apporté des galettes faites maison ainsi que quelques cahiers, cartons et crayons de couleurs, pour les enfants. Ce fut apprécié je crois. Les Kunas nous ont offert de la boisson, et nous ont acceptés, en étant sincèrement contents que nous soyons là. En aucun temps on se sentait voyeur ou mal à l’aise. Quelle expérience extraordinaire!






Nous avons navigué tranquillement au travers ces petites îles paradisiaques pendant 5 semaines. On a changé de place pas moins de 18 fois, en découvrant des endroits plus beaux les uns que les autres. Les approches au mouillage sont parfois stressantes car il y a beaucoup de hauts fonds et de coraux, et les cartes sur nos GPS ne sont pas exactes dans ce coin reculé. La navigation a vue combinée avec les yeux sur le profondimètre nous a bien mené à de superbes ancrages dans des eaux de différentes teintes de bleu et turquoise. Les récifs entourant les îles cassent les vagues provenant de la mer des Caraïbes alors on ne subit aucun swell (mouvement rouleur et désagréable qui nous fait bercer de gauche a droite sans arrêt). C’était très confortable.

Nous avons beaucoup plongé en apnée. Il y a de magnifiques récifs remplis de couleurs. Les poissons sont variés mais peu nombreux. On s’est retenu de chasser, malgré l’envie qui nous tenait. Les Kunas n’ont aucun revenu autre que la vente de leur pêche alors nous avons plutôt encouragé l’économie locale. Nous avions accès à de belles langoustes, des snappers, crabes, etc. On s’est régalé de poissons en masse!

On se déplaçant entre les Iles, on mettait la ligne à l’eau et nous avons attrapé à deux reprises de belles bonites (dans la famille des thons). Un jour que nous étions en déplacement dans le Golf des San Blas, j’ai vu des dauphins qui nageaient à notre rencontre. On a arrêté le bateau en plein milieu et je me suis mise à l’eau avec mon masque. Quel bonheur et excitation de voir une dizaine de dauphins nager juste à côté et sous moi. Je les entendais! Un petit cri de joie très particulier! Je ne pensais  jamais vivre ça dans ma vie!

Nous attendions la visite de ma fille aînée et de ma sœur pendant notre séjour aux San Blas. Elles ont voyagé ensemble sur le continent la semaine précédente, et venaient nous rejoindre a Carti par une route de terre dans les montagnes, jusqu’au bord de la mer, côté Atlantique. On les a cueillies sur le quai (après une journée entière de retard causée par une mauvaise communication avec le chauffeur!). J’étais vraiment heureuse de les recevoir et de partager toute cette beauté avec elles.

Ma sœur Hélène n’était jamais venue sur notre voilier, ne connaissait pas la vie sur l’eau, et n’avait jamais fait de plongée. Elle a découvert plusieurs découvertes dont les fonds marins et fut très impressionnée. Elle se croyait comme dans un film! Martine a été très bonne de voir un barracuda sans trop stresser, et de nager avec des requins nourrices sans paniquer! Malgré que ces requins ne sont pas agressifs, c'est quand même  intimidant de les voir si proche. Et que dire des raies tachetées, qui nagent comme de gracieux oiseaux battant lentement leurs ailes dans l'eau! C'était magique.

Nous avons fait quelques séances de yoga sur des plages magnifiques. Nous avons discuté et bien ris, et (pleureur aussi...). On s'est fait de bonnes bouffes. On a joué aux cartes, on a dansé, on a chanté avec nos amis de Frimousse, et on s'est même payé une partie de beach volleyball. Quel bonheur de jouer avec ma grande, elle qui a joué élite dans sa jeunesse! Une belle complicité régnait sur le terrain! En plus, la saison des pluies s'est terminées soudainement, juste avant leur arrivée. C'est donc sous le soleil qu'elles ont passé la semaine. J'étais tellement heureuse de partager un petit bout de ma vie de rêve avec elles! Voici un vidéo préparé par Hélène, résumant ces moments mémorables. Merci la vie!