Bahamas Décembre 2014
Par Louise
Vendredi 5 décembre
Nous sommes excités de partir, de faire ce premier vrai voyage ensemble. Nous avons loué avec Navtour un voilier pour visiter les Exumas pour une période de 8 jours. On trouve notre Lady Marcelline pas mal petite comparée à Ambition. Un Bénéteau 343 pas très bien entretenu. On quittera donc la marina à 10h30. Nerveux et confiants, enthousiastes et craintifs, coéquipiers et amoureux, un mixte d'émotions qui est difficile à cerner. Ce n'est pas l'euphorie encore...
Le départ de la marina se passe très bien. Le port de Nassau est comme tous les ports:
laid, bruyant, mais au moins, il n'est pas trop achalandé. On lève les voiles
en sortant du chenal. Je semble avoir tout oublié de mes leçons de voile.
Mauvaises manœuvres en partant, pas trop fort de ma part... On a finalement une belle
allure, vraiment le vent dans les voiles, quand tout à coup, on nous fait signe de dégager la voie car il y a une
régate. Pleins de petits voiliers sont devant nous. On doit allonger notre
route, ce qui nous fera perdre plus de 2 heure.
Un vent fort en plein de face nous empêche d'avancer.
Après plus de 2 heures à avancer à moins de 4 nœuds à l'heure, le capitaine
décide de baisser les voiles et de poursuivre au moteur. Le vent est vraiment
fort, des vagues de 5-6 pieds nous fait brasser, ça gîte, bref tout pour avoir
mal au cœur. A titre préventif, on avait pris des Gravol et c'était une très
bonne idée.
Avec tout ça, au lieu de prendre 5h pour arriver à
Highborne Cay, tel que prévu, ça nous a pris 9h! La noirceur est tombé vers
18h et on a dû poursuivre notre navigation. Heureusement que le GPS
fonctionnait pour contourner les hauts fonds, et que c'était la pleine lune. qui éclairait magnifiquement bien. Il fallait admettre que naviguer
dans le noir était magique. L'entrée dans la baie fut tout de même facile puisque c'était
très large heureusement...
Le réveil fut tôt. Malgré le vent et les vagues, nous
avions quand même assez bien dormi. On part en dinghy pour notre premier sortie
de plongée ensemble. Nous avons 1 mile marin à faire, dans de bonnes vagues, pour aller
rejoindre une petite île, près de Allan's Cay. C'est l'île aux iguanes. Il y
avait plus d'une trentaine de ces petites bêtes préhistoriques sur la plage.
Ils sont drôles à voir. Ensuite on repart vers les coraux. La plongée fut
magnifique. Beaucoup de coraux de différentes formes, riches de végétation,
plein de poissons de toutes les couleurs, nous avons passé beaucoup de temps dans ce coin de paradis.
Après le dîner, on lève l'ancre pour se diriger vers
Norman Cay. La navigation à voile se passe très bien, le vent est bon, le
soleil est présent. On a juste 12 miles à faire. Je dois m’améliorer à la barre
car j’ai de la difficulté à maintenir une direction...
On commence a vraiment apprécié les vacances. Un pêcheur
nous a vendu, pour 5$ et 2 bières, 2 belles langoustes. On les fera cuire et ce
sera notre collation de fin d'après-midi. Une belle soirée encore à la pleine
lune. Tout d'un coup, le vent se lève, le courant est fort. On se rend compte que la nuit sera
mouvementée. Il ne faut rien prendre pour acquis sur un voilier...
Dimanche 7 décembre
Belle plongée ce matin. Stéphane me fait découvrir une
carcasse d'avion abattue dans les années 1970, et qui est laissée dans le fond
de l'eau depuis. Le fond n'est vraiment pas creux donc on peut toucher l'avion,
nager à l'intérieur même. Les coraux ont pris leur place partout dans et sur l'avion,
nourrissants une colonie de poissons de toute sorte. On voit même une immense
raie, ce qui m’impressionne beaucoup.
On lève l'ancre et comme le vent est bon, que l'allure
est parfaite, on poursuit jusqu'à notre destination la plus éloignée de la
semaine. La navigation se passe très bien, malgré le vent arrière ou grand
largue. On arrive donc au Parc national des Exumas. Un endroit féerique. On choisit
de se déposer pour 2 nuits pour en profiter au maximum.
Le coucher du soleil fut des plus beaux de ma vie.
L'observation des milliers d'étoiles, couchés collés tous les deux sur le pont, et le lever
de la lune était tout à fait spectaculaire. Nous étions heureux et chanceux de
partager tout ça ensemble.
Lundi 8 décembre
Journée de loisirs car aucune navigation. Le dinghy va
vite et sur la mer, ça frappe fort donc je ne suis pas encore à l'aise à me
tenir mais j'aime ça, c'est assez sportif. Nous allons plonger dans le courant
devant la baie principale. Stéphane s'attache au dinghy et on se laisse dériver
par le courant, dans le but de revenir avec le dinghy au lieu de nager à contre-courant.
On voit encore pleins de poissons quand tout à coup, 5 raies géantes, des
spotted eagle ray, nagent près de nous. Elles tournent autour de nous. Je nage
dernière elles et j'ai l'impression de voler comme elles. Je suis émue aux larmes et très
impressionnée.
On refait la dérive une seconde fois. C'est magique.
Ensuite on poursuit la nage vers le sable, dans l'eau peu profonde. On voit un requin
qui se tortille devant nous. Il est nerveux. On saute rapidement dans le dinghy car
on ne veut surtout pas être sur son chemin. On accoste sur la plage et on change
nos wet suits pour les sandales de marche. Un sentier nous amène à Bou Bou
Hills. Stéphane est familier avec l'endroit et aime bien me montrer la place.
On voit des centaines de planches de bois avec des noms de bateaux laissées par
des visiteurs. On doit se souvenir d'apporter le nôtre lors du vrai voyage avec
Ambition!
L'après-midi sera passée dans l'eau. On nage du bateau à
la plage. Ensuite on repart en plongée. Plusieurs plongées sur plusieurs coraux.
Stéphane est tellement excité, il a l'air d'un petit gars. Je suis touchée de
le voir ainsi. On voit plusieurs requins nourrices, des barracudas qui nous
suivent, on découvre des gigantesques langoustes au fond d'un trou, on voit un
Lion Fish poisson venimeux mais magnifique avec ses grandes ailes brunes et
blanches. Et des milliers de poissons de toutes les couleurs, toutes les
formes, toutes les grosseurs. On trippe, il fait beau, nous sommes heureux. Le
bonheur est ici!
Une autre belle soirée avec coucher du soleil, ciel
étoilées comme j'ai jamais vu, et levée de lune superbe. Je suis aux anges et
j’ai la chance de partager ça avec l’homme que j’aime!
Mardi 9 décembre
On lève l'ancre tôt. Stéphane souhaite aller à Shroud Cay
pour me montrer la belle rivière qui traverse l'île. Le vent plein nord, nous
empêche d'aller ancrer car nous n'aurions aucune protection. On doit se
résigner à poursuivre jusqu'à Norman Cay, où nous avions ancré la deuxième
nuit. Nous avons navigué de 8h30 à 16h30 sans arrêt. Le vent de face nous a obligé
de louvoyer, en prêt serré de chaque côté. Souvent nous devions avancer au
moteur car impossible d'ajuster les voiles correctement. Ça nous donne de
l'expérience et j'apprends à mieux barrer. J'aime barrer, surtout quand ça
bouge beaucoup, car ça m'empêche d'avoir mal au cœur. Le regard sur la mer, sur
l'infini, ça m'impressionne.
L'ancrage à Norman Cay n'est pas évident. Plusieurs
bateaux sont venus se réfugier car le vent se lève et il n'y a vraiment pas
beaucoup d'endroit dans les îles pour se protéger d'un vent du Nord. On se fait
un chemin et on ancre en tentant du mieux qu'on peut de ne pas s'échouer car il
n'y a pas beaucoup d'eau. Le vent s'élève un peu plus, Stéphane est aux aguets.
Après 2-3 verres de vin et un bon souper (le premier dans la cabine) il
s'aperçoit soudainement que nous avons chassé. Il fait noir comme le loup et on
doit lever l'ancre, se déplacer sans voir devant nous, et ancrer dans un
endroit plus sûr. Stéphane est à l'avant avec sa lampe frontale. Je suis au
moteur et je ne vois rien, seulement la lumière que Stéphane porte. C'est très
insécurisant mais on doit y aller. Je fais totalement confiance à mon homme. Il
fait les manœuvres comme un pro. On ancre à nouveau dans un meilleur endroit.
Je suis très fière de lui, je l'admire car il prend de bonnes décisions.
L'attitude de Stéphane me fait sourire. Pendant la
navigation il est nerveux, s'emporte facilement, prend beaucoup de temps à
prendre une décision car il n'est pas sûr de lui. Cette attitude pourrait me
tomber sur les nerfs en temps normal. Mais aucunement sur un voilier. Je souris
de le voir aller. A certains moments je suis mieux de me taire et d'attendre
que la pression passe. Heureusement ça passe toujours rapidement et sa bonne
humeur revient aussi vite. J'admire sa ténacité, son esprit d'analyse beaucoup
plus développé que le mien, sa patience avec moi. Je l'aime entièrement!
Depuis Highborne, nous avons 2 petits amis qui nous
suivent. Un couple de rémoras. Ils prennent le bateau pour un requin et se
collent à nous afin de se nourrir de nos déchets. Ils sont drôles. On les a vus
dormir, côte à côte, debout en position verticale, s'accotant sur la quille.
Ils n'aiment pas nos déchets de fruits
ou légumes, mais ils ont aimé les bretzels. Ce qui nous fait dire qu'ils sont plutôt
des américains!
Mercredi 10 décembre
La vie sur un bateau nous réserve toujours des surprises.
Souvent des merveilleuses, des fois des surprises hautes en émotion, des fois
des petits ou gros problèmes, des accidents de parcours, etc. il faut aimer
l'aventure et accepter que tout puisse arriver. Aujourd'hui, nous avons été en
montagnes russes. Heureusement rien de bien grave.
Le levé était un petit peu pénible car la nuit fut assez
difficile. Beaucoup de vent et du courant. Stéphane n'était pas tranquille car
il craignait de chasser à nouveau. J’ai réussi à dormir par petits bouts. Le
balancement du bateau ne me donne pas mal au cœur mais j'espère qu'à court
terme, je m'y habituerai. Ce qui impressionne aussi la nuit sur un bateau ce
sont les bruits. Le bateau craque et j'ai toujours l'impression que quelqu'un
marche sur le pont ou dans la cabine. Le vent fait vibrer la baume, c'est comme
un bruit de moteur. Les cordages claquent au vent. Bref tous des nouveaux sons
pour moi. Qui devraient devenir familiers un jour.
Ce matin, le vent est encore fort et vient directement du
Nord, vers où on doit remonter. La mer sera rude et on décide de retarder notre
départ.
On lève l'ancre, et aussitôt engagés dans notre voie, on
lève les voiles. Stéphane est calme, les manœuvres sont parfaites, et je
ressens enfin ce sentiment de bien-être en
voilier. C'est un feeling extraordinaire de ressentir les voiles, dans le vent.
C'est la première fois que je peux dire que j'adore ça autant. Avant j'étais
trop craintive, pas assez confortable, peur de faire une gaffe. Par contre, en
ce moment précis, je ressens cette douce euphorie qui me fait enfin dire que
j'aime la voile! Je suis aux anges.
Je déchante rapidement car le vent est très fort, la mer est houleuse, on a le vent de face et c'est extrêmement difficile d'avancer par voile. Impossible de trouver une allure qui nous mènera à Highborne. On se fait brasser, c'est très exigeant de se tenir. Les vagues sont à 6 pieds et se croisent. Après plusieurs essais, on se résigne à poursuivre au moteur. On prend les vagues de front, ça monte ça descend. Heureusement que j'avais pensé à faire des sandwiches le matin car je n'aurais pas pu les faire dans cette mer houleuse. Mais en ouvrant une porte d'armoire elle me reste dans les mains, et un pot en verre de sauce à spaghetti tombe et se fracasse par terre. De la sauce partout! Il y en a sur mes jambes, sur mes vêtements, sur les coussins, les murs, le plancher, l'horreur! Je ne peux rester en bas car j'ai soudain mal au cœur. Stéphane va dans la cabine pour essayer de ramasser les dégâts et lui aussi, attrape le mal de cœur aussi vite. On laisse le dégât tel quel, on se prend des Gravol et on poursuit la navigation, en se tenant car c'est rough. Nous n'avons pas besoin de parler. On garde notre énergie pour se tenir et aussi pour soulager notre mal de cœur. Je suis à la barre, ça m'aide de rester concentrée. On avancera comme ça pendant quelques heures avant d'arriver dans une belle petite baie, près de la marina de Highborne. Aussitôt ancré, le mal de cœur s'en va. On doit tout nettoyer.
Nous sommes en fin après-midi et on décide de partir en
dinghy juste pour aller voir la marina et découvrir les alentours. Nous sommes à
environ 30m du bateau lorsque tout à coup, le moteur du dinghy arrête. On n'a
plus d'essence! Et on avait oublié de prendre les rames...erreur à ne jamais faire! Stéphane doit plonger à l'eau et nager en ramenant le dinghy jusqu'au
bateau. Ouf! Que d'émotions aujourd'hui!
Jeudi 11 décembre
La nuit fut très calme et on a bien dormi. On lève
l'ancre tôt et nous allons au quai mettre du diesel avant de faire la traversée
du retour. Un premier accostage qu’on anticipe toujours… On veut atteindre Rose
Island pour ne pas faire la plus longue route en une seule journée. L'accostage
se passe super bien. Stéphane est de plus en plus à l'aise et moi, je deviens
moins paniquée à chaque nouvel accostage.
La mer est un miroir et il n'y a aucun vent. Nous ferons
5 heures au moteur, tranquillement. C'est calme, le soleil est au rv, on est
amoureux, c'est le bonheur. La mer à perte de vue donne un sentiment de
béatitude totale devant cette nature si belle. On s'arrête en plein milieu pour
plonger dans les hauts fonds. Je vois 2 gros Lion Fish et plusieurs autres
poissons. On poursuit et sur notre route, on voit même des dauphins. On les
verra que brièvement mais quand même, on est content d'avoir eu la chance de
voir ces dauphins, On se rend à l'abri a Rose Island. Il y a plusieurs hauts
fonds et beaucoup de coraux alors on doit faire attention. Je m'améliore à la
barre et Stéphane me fait de plus en plus confiance.
Les journées passent trop vite et on déplore qu'il reste
juste une journée. On se fait, encore, une bonne bouffe et on honore la
dernière bouteille de vin qui nous reste. J'ai acheté des belles côtelettes
d'agneau au magasin général de la marina, ce qui fait grand plaisir à mon
capitaine.
Vendredi 12 décembre
Nous avons amplement le temps d'aller plonger avant de
quitter vers Nassau. Tout près du bateau, des coraux avec beaucoup de poissons, et pleins d'étoiles de mer. On
passera au moins 2 heures dans l'eau. C'est magnifique et on peut se rassasier
de la nature sous-marine.
On mange et on prend la direction de notre point de
départ. La mer est calme et il y a juste un petit vent pour nous faire avancer
doucement. Notre allure est belle, les voiles sont parfaitement ajustées, je
suis à la barre, et j'ai un sentiment de bien-être extraordinaire. J'ai les
larmes aux yeux. Je réalise que je viens de tomber en amour avec la voile.
Jusqu'à maintenant, je n'étais pas assez à l'aise, pas sûre de moi, je ne
comprenais même pas les rudiments de la navigation. A ce moment précis, on
dirait que plusieurs apprentissages viennent de prendre un sens. Je ressens ce
début de feeling dont les navigateurs ressentent. Je réalise qu'avant, j'étais
en amour avec Stéphane et que j'étais juste bien avec lui sur un bateau.
Aujourd'hui, je réalise que je viens aussi de tomber en amour avec la voile.
J'ai la piqure. J'ai juste le goût de revenir. C'est bon. Je regarde mon homme,
je le trouve si beau, si fort. Je l'admire et je suis émue. Tant de bonheur
dans ma vie! J'ai le goût de pleurer de joie.
En arrivant à Nassau, Stéphane est calme et je suis en contrôle
sur le pont. Je dois transférer à bâbord toutes les défenses et les amarres. Je
fais mes nœuds comme une pro, je suis de plus en plus à l'aise et confiante.
L'approche au quai se fait encore très bien. Stéphane s’en vient bon. Nous
célébrons ces accostages comme des petites victoires. On prend de l'expérience,
ce qui nous rend un peu moins nerveux, l'expérience un peu moins pénible. Il ne
faut jamais rien prendre pour acquis sur un bateau. Mais lorsque tout va bien,
il faut le savourer.
Nous avons beaucoup discuté durant ce voyage. Nous avons parlé
de nous deux, et de comment on apprécie être ensemble. On rêve aussi beaucoup
au grand départ. Stéphane a atteint son objectif de me faire aimer la voile et
il est ravi. Je suis aux anges après seulement une semaine et je suis
convaincue que des mois, voire quelques années, seront encore mieux. Je vois
notre grande aventure de partir dans 2 ans encore plus concrètement maintenant.
Mission accomplie!
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